s’éleva en nuage au-dessus du gaillard d’avant de ce vaisseau, et il devint invisible.
Cependant le César avançait lentement, et enfin presque toute sa longueur mit Le Plantagenet à couvert du feu de son ennemi, tandis que les bordées du contre-amiral anglais se succédaient avec une rapidité terrible. Son arrivée sembla donner une nouvelle vie au Plantagenet, et son artillerie de tribord tonna encore comme si elle eût été servie par des géants. Environ cinq minutes s’étaient passées depuis l’apparition si opportune de Bluewater ; quand le feu des autres vaisseaux de la seconde division anglaise annonça leur arrivée par bâbord de la division de M. Després. La totalité des deux flottes se trouvait alors rangée sur quatre lignes, tous les vaisseaux voguant vent arrière, et en quelque sorte entremêlés ensemble. Les dunettes du Plantagenet et du César devinrent alors visibles l’une à l’autre, le vent écartant en ce moment une partie de la fumée des navires, et chacun de nos deux amiraux épiait avec impatience l’instant où il pourrait entrevoir son ami. Dès qu’il arriva, sir Gervais appliqua son porte-voix sur ses lèvres, et s’écria : Dieu vous bénisse, Dick ! — Dieu vous bénisse à jamais — Mettez votre barre toute à tribord, attaquez M. Després à l’abordage, et vous en serez maître en cinq minutes.
Bluewater sourit, fit un signe de la main, donna un ordre, et mit son porte-voix à l’écart. Deux minutes après, le César, enveloppé de la fumée, fit une embardée sur bâbord et l’on entendit le craquement des deux vaisseaux qui s’abordaient. Le Plantagenet, étant alors dégagé de tous les débris de ses mâts, fit aussi une forte embardée, mais dans un sens contraire à celle du César. En entrant dans la fumée, ses canons cessèrent de se faire entendre ; mais, quand il en fut sorti, on vit que l’Éclair avait établi ses basses voiles et ses perroquets, et voguait avec une telle vitesse qu’il était inutile de songer à le poursuivre avec le peu de voiles qu’on pouvait établir à bord du Plantagenet. Faire des signaux était impossible au milieu de la fumée ; mais ce mouvement des deux commandants en chef fit de cette bataille une scène de confusion inexplicable. Les vaisseaux changeaient de position l’un après l’autre ; ils furent obligés de cesser leur feu, parce qu’ils ne savaient quelle était cette position ; un silence général succéda au fracas de la canonnade ; il devint donc indispensable d’attendre que la fumée se dissipât.
Il ne fallut que quelques minutes pour que le rideau qui couvrait les deux flottes se levât. Dès que le feu eut cessé, le vent augmenta, et la fumée, formant un vaste nuage, fut poussée sous le vent et pa-