Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/395

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de la flotte, ses trois huniers sur le ton. Comparativement, sa mâture et sa voiture avaient peu souffert ; mais sir Gervais savait qu’il devait avoir perdu beaucoup de monde en emportant à l’abordage un bâtiment comme celui de M. Després. Il lui tardait de voir son ami, d’apprendre de lui de quelle manière il avait obtenu ce succès, et nous pouvons ajouter de lui faire quelques remontrances sur une conduite par laquelle il s’était placé lui-même sur le bord du plus dangereux abîme.

La Chloé fut une demi-heure à parcourir la flotte, qui s’étendait à une grande distance et qui n’avait plus besoin de marcher en ligne, et sir Gervais avait beaucoup de questions à faire aux capitaines des différents vaisseaux près desquels il passait. Enfin la frégate arriva au Téméraire, qui suivait le César sous petites voiles. Quand la Chloé arriva par le travers, sir Gervais parut sur le passe-avant, le chapeau à la main, et dit en français intelligible, quoique avec un accent anglais très prononcé :

Le vice-amiral Oakes demande comment se porte le contre-amiral vicomte Després.

Un vieillard de petite taille, vêtu avec le plus grand soin, ayant les cheveux bien poudrés, mais le pas ferme et une expression de physionomie parfaitement calme, s’avança sur le bord de la dunette du Téméraire, tenant en main un porte-voix, et répondit :

Le vicomte Després remercie M. le chevalier Oakes, et désire vivement savoir aussi comment se trouve M. le vice-amiral.

Un signe mutuel fait avec les porte-voix servit de réponse à ces deux questions ; et après avoir pris un instant pour préparer une phrase en français, sir Gervais ajouta :

— J’espère voir M. le contre-amiral à dîner, à cinq heures précises.

Le vicomte sourit à cette marque de bienveillance et de politesse, et après avoir pris un moment pour chercher des expression qui pussent adoucir son refus, et montrer en même temps qu’il sentait le motif de cette invitation, il répliqua :

Veuillez recevoir nos excuses, monsieur le chevalier ; nous n’avons pas encore digéré le déjeuner que vous nous avez donné.

La Chloé continuant à avancer, un salut réciproque termina l’entrevue. La science de sir Gervais en français se trouva alors en défaut. Il ne connaissait pas la prononciation de cette langue ; le vicomte avait parlé avec rapidité, et il n’avait pas compris sa réponse.

— Que dit-il, Wychecombe ? demanda-t-il au jeune lieutenant. Viendra-t-il ou ne viendra-t-il pas ?

— En vérité, sir Gervais, le français est pour moi comme une lettre