Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’eau que le premier, dit le lieutenant, que nous appellerons ainsi pour le distinguer de Thomas ou Tom Wychecombe, répétant en souriant les paroles de Dutton, et montrant deux individus, à peu près de même taille, qui, à peu de distance l’un de l’autre, montaient au poste des signaux par un sentier qui partait du rivage en circulant ; — certainement ces deux messieurs sont au service de Sa Majesté, et viennent des bâtiments qui entrent dans la rade.

Il ne fallut qu’un coup d’œil pour prouver à Dutton que cette conjecture était vraisemblable. Lorsque les deux étrangers se furent rejoints, celui qu’on avait vu le dernier prit l’avance sur l’autre ; et son âge, l’air de confiance avec lequel il s’approchait et sa mise, portèrent les deux marins à croire que ce pouvait être l’officier commandant l’un des deux bâtiments qui étaient en vue.

— Bonjour, Messieurs, dit l’étranger dès qu’il fut assez près pour saluer les individus rassemblés au pied du mât des signaux ; je suis charmé de vous voir. Votre sentier pour monter ici, quoiqu’il suive un ravin, est une véritable échelle de Jacob. — Eh ! Atwood, dit-il à son compagnon en regardant la mer avec surprise, que diable est devenue l’escadre ?

— Perdue dans les vapeurs Monsieur. Le brouillard n’est pas encore dissipé à la distance où elle est d’ici. Quand nous en étions plus près, nous pouvions en voir ou nous imaginer que nous en voyions un plus grand nombre qu’à présent.

— Vous voyez là-bas, Monsieur, les voiles hautes de deux vaisseaux, dit le lieutenant en montrant les deux bâtiments en vue ; et en voilà deux autres un peu plus loin, mais on n’en voit que les cacatois.

— Deux autres ! reprit le premier étranger ; — j’ai laissé en vue onze vaisseaux à deux ponts, trois frégates, un sloop et un cutter, quand je suis descendu dans le canot. On aurait pu les couvrir tous avec un mouchoir de poche. — Eh ! Atwood ?

— Ils étaient certainement en ordre serré, Monsieur ; mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’on aurait pu les couvrir avec un mouchoir.

— Oui, vous êtes un dissenter[1] de profession, et jamais vous ne croirez à un miracle. – C’est une rude besogne, Messieurs, de gravir ce promontoire, quand on a passé cinquante ans.

— Cela est vrai, Monsieur, répondit sir Wycherly. Nous ferez-vous le plaisir de vous asseoir et de vous reposer après un exercice si violent ? Le rocher est assez difficile à monter, même en suivant le sentier ; mais voici un jeune homme qui s’est mis tout à l’heure dans

  1. Dissident. Ce mot paraît être employé ici dans un double sens. Il signifie non-conformiste, et un homme dont les opinions sont en dissentiment avec celles d’autres personnes.