Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/440

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de vingt-six ans, et deux jeunes et jolies personnes qu’on aurait prises pour des sœurs jumelles, quoique l’une eût vingt et un ans, et l’autre seulement dix-neuf. C’étaient sir Wycherly et lady Wychecombe Wycherly, leur fils unique, qui venait de finir un voyage de cinq ans sur le continent européen, et Mildred et Agnès, leurs filles. Le reste de la famille était arrivé à Londres depuis quinze jours pour y retrouver le fils à la fin de son grand voyage, et retourner avec lui en Amérique. Cette réunion fut une scène de tendresse et de bonheur, quoique lady Wychecombe trouvât à reprocher à son fils quelques traits innocents d’affectation étrangère, et que le baronnet lui-même ne pût s’empêcher de sourire des fragments de français, d’italien et d’allemand que le jeune homme mêlait assez naturellement à sa conversation. Rien de tout cela ne jeta pourtant le moindre nuage sur leur réunion, car cette famille avait toujours été unie par les nœuds d’une entière confiance et d’une affection sans bornes.

— Cet endroit a pour moi quelque chose de solennel, dit sir Wycherly en entrant dans ce qu’on appelle Poet’s Corner[1]. C’est ici qu’un esprit ordinaire doit inévitablement sentir son néant. Mais accomplissons d’abord notre pèlerinage, et nous reviendrons ensuite lire ces inscriptions remarquables. Le monument que nous cherchons est dans une chapelle de l’autre côté de l’église, près des grandes portes, et il ne s’y en trouvait aucun autre la dernière fois que je l’ai vu.

À ces mots, ils se remirent en marche, les deux aimables sœurs tournant de temps en temps la tête en arrière pour admirer les merveilles qui les entouraient, tandis que leur frère, placé entre elles leur donnait le bras.

— N’est-ce pas un édifice extraordinaire, Wycherly ? demanda Agnès, la plus jeune des deux ; le monde entier pourrait-il en faire un semblable ?

Cette question sent Jame’s River, répondit le jeune homme en souriant. Si vous aviez vu la cathédrale de Rouen, celle de Reims, celle d’Anvers, et même celle d’York dans ce bon royaume, cette vieille abbaye n’aurait qu’à se vanter de ses pierres funéraires et de ses grands noms. — Mais sir Wycherly s’arrête ; il faut qu’il voie ce qu’il appelle son attérage.

Sir Wycherly s’était réellement arrêté. Il venait d’arriver au haut du chœur, d’où il pouvait voir l’intérieur de la chapelle vers laquelle il marchait. Elle ne contenait encore qu’un seul monument, qui était

  1. Le coin des poëtes, ainsi nommé parce que les monuments élevés à la mémoire d’un grand nombre de poëtes anglais célèbres y sont rassemblés.