Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/54

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n’avaient pas mis le pied à terre, depuis six mois ; et il n’était pas étonnant que tous les officiers que leur devoir n’obligeait pas de rester à bord eussent saisi avec empressement l’occasion de repaître leurs yeux de la belle verdure de leur île natale. Une centaine de marins de cette espèce parcouraient la rue de Wychecombe, se répandaient dans quelques fermes voisines, tenaient des propos galants aux jeunes filles qui les écoutaient en rougissant, et ne perdaient pourtant pas de vue leur principal but, qui était de pourvoir aux besoins de leur table.

— Nos jeunes gens ont déjà découvert votre village en dépit du brouillard, sir Wycherly, dit le vice-amiral d’un ton de bonne humeur ; et les sauterelles d’Égypte ne seraient pas plus en état d’y apporter la famine. On dirait qu’il y a un grand dîner in petto chez tous les capitaines des bâtiments de l’escadre, à en juger par le nombre des maîtres-d’hôtel de capitaines qui sont à terre. — Eh ! Atwood ? j’ai déjà vu ici neuf de ces harpies dans cette rue, et les sept autres ne peuvent être bien loin.

— Voici Galleygo, sir Gervais, dit le secrétaire en souriant, quoiqu’il ne soit pas juste de le confondre avec les maîtres d’hôtel de capitaines, puisqu’il a l’honneur d’être au service d’un amiral, et du commandant en chef d’une flotte.

— Oui, mais c’est nous qui nourrissons quelquefois toute l’escadre, et nous avons quelque excuse pour être un peu exigeants. — Écoutez, Galleygo ; louez une charrette, et poussez à quatre ou cinq milles plus loin dans l’intérieur. Autant vaudrait espérer de trouver des perles fines dans les yeux des poissons, que de découvrir quelque chose de bon à glaner quand on vient après tant de midshipmen et de jeunes officiers. — Je dîne à terre aujourd’hui ; mais n’oubliez pas que le capitaine Greenly aime les côtelettes de mouton.

Il parlait ainsi d’un ton de bonté, et en homme habitué à traiter avec familiarité ses domestiques, comme des amis d’une humble condition. Galleygo était un maître d’hôtel ayant l’air si décidé, qu’un gentilhomme campagnard n’aurait pu le tolérer ; mais il servait son maître actuel en cette qualité depuis que celui-ci avait obtenu le commandement d’un sloop. Il avait passé toute sa jeunesse dans la marine comme gabier, et c’était réellement un excellent marin ; mais le hasard l’ayant momentanément placé dans la situation actuelle, le capitaine Oakes fut si content de son attention à ses devoirs et surtout de son amour pour l’ordre, qu’il le garda toujours depuis ce temps à son service, malgré le désir qu’avait le brave homme de reprendre ses anciennes fonctions. Le temps et l’habitude avaient enfin