Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/64

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autant. Le vieux baronnet avait ordonné qu’on préparât des lits pour Dutton, sa femme et sa fille ainsi que pour le lieutenant Wychecombe, qui ne pouvait tarder bien longtemps à être de retour.

La journée se passa de la manière ordinaire. Quand on eut déjeuné, chacun alla de son côté s’occuper comme bon lui semblait, suivant l’usage, à ce que nous croyons, de toutes les maisons de campagne de tous les pays et de tous les temps. Sir Gervais, qui avait envoyé chercher certains papiers à bord du Plantagenet, écrivit toute la matinée ; l’amiral Bluewater se promena tout seul dans le parc ; Atwood remplit ses fonctions de secrétaire ; sir Wycherly monta à cheval et alla inspecter les travaux des champs de ses domaines, et Tom Wychecombe prit une ligne et fit semblant d’aller pêcher ; mais il monta sur le promontoire, et rôda dans les environs de la maison de Dutton jusqu’à ce que le moment de retourner chez le baronnet fût arrivé. À l’heure convenable, sir Wycherly envoya sa voiture chercher les dames, et bientôt après la compagnie commença à se réunir dans le salon.

Quand sir Wycherly y arriva, il y trouva la famille Dutton, qui en était déjà en possession, et Tom qui faisait les honneurs de la maison. Il est inutile de dire que l’ancien master avait mis son plus bel uniforme, qui était extrêmement simple, ainsi que toute sa garde-robe. Sa fille était complètement remise du choc qu’elle avait éprouvé le matin, comme l’attestait l’aimable coloris de ses joues, et sa mise était exactement ce qu’elle devait être, simple, propre, et lui allant à ravir. Mistress Dutton était une matrone dont la figure n’était ni bien ni mal. Elle était fille de l’intendant des domaines d’un lord qui demeurait dans le même comté, et elle avait un air de souffrance morale qui était la suite de chagrins qu’elle n’avait jamais confiés à la compassion d’un monde insensible.

Le baronnet était tellement habitué à voir ses humbles voisins, qu’il s’était établi entre eux une sorte d’intimité. Sir Wycherly, qui n’était rien moins qu’un observateur attentif et intelligent, prenait intérêt, sans savoir pourquoi, à l’air de mélancolie profonde toujours empreint sur les traits de la mère, et bien certainement il ne soupçonnait pas le véritable motif de cette tristesse habituelle. Quant à sa fille, sa jeunesse et sa beauté n’avaient pas manqué de produire leur effet ordinaire, en lui faisant trouver un ami dans le vieux garçon. Il leur serra la main à tous avec beaucoup de cordialité, exprima à mistress Dutton le plaisir qu’il avait de la voir, et félicita Mildred d’avoir si promptement recouvré la santé.

— Je vois que Tom a été attentif à son devoir ; ajouta-t-il, tandis