Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/77

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Bluewater étant arrivé en, ce moment, sir Wycherly offrit le bras à mistress Dutton pour la conduire à table. Le seul changement qui avait eu lieu dans le costume des convives, était le ruban bleu que portait sir Gervais, et, aux yeux de son ami, c’était arborer ouvertement l’étendard de la maison de Hanovre.

— Qui pourrait s’imaginer, sir Wycherly, dit le vice-amiral en jetant les yeux autour de lui dès que chacun fut assis, que cette compagnie ait pris place en ce moment à votre table au milieu des menaces d’une guerre civile, pour ne pas dire d’une révolution ?

Toutes les mains suspendirent leurs opérations, tous les yeux se tournèrent vers sir Gervais, et Bluewater lui-même, le regardant fixement, attendait avec impatience ce que son ami allait dire.

— Je crois que toute ma maison est en état de due soumission, répondit le vieux baronnet, regardant à droite et à gauche, comme s’il se fût attendu à voir son sommelier à la tête d’une insurrection de ses domestiques, et j’espère que la seule révolution que nous verrons aujourd’hui sera le changement des services.

— C’est ainsi que parle un digne baronnet du Devonshire, assis à une table bien servie, à qui rien ne manque, et confortable à tous égards. Mais il paraît que le serpent n’a été qu’engourdi et n’a pas été tué.

— Sir Gervais Oakes donne aujourd’hui dans le style figuré, dit Bluewater d’un ton un peu sec.

— Je suppose, sir Wycherly, — je suppose, monsieur Dutton, et vous aussi, Mesdames, continua le vice-amiral, que vous avez entendu parler du Prétendant, — quelques-uns de vous peuvent même l’avoir vu.

Sir Wycherly laissa tomber son couteau et sa fourchette, et regarda sir Gervais avec un air d’étonnement qu’il serait impossible de décrire. La religion, la liberté des sujets, — surtout celle d’un baronnet jouissant d’un revenu annuel de quatre mille livres sterling, — la succession protestante au trône ; — tout parut à ses yeux tout à coup exposé au plus grand danger.

— J’ai toujours dit à mon frère le juge, feu le baron Wychecombe, dit-il, qu’avec les Français le pape actuel et le bâtard du roi Jacques II, nous verrions encore des temps de troubles en Angleterre, Voilà donc mes prédictions vérifiées !

— Pas encore quant à l’Angleterre, mon cher Monsieur. Mais je n’ai pas d’aussi bonnes nouvelles à vous donner d’Écosse, car votre homonyme que voilà vient de m’apprendre que le fils du Prétendant a débarqué dans ce royaume, et qu’il y rallie les clans, il y est arrivé,