Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elles pleurèrent en silence. Jamais mistress Dutton ne parlait du défaut principal et dégradant de son mari, pas même à sa fille, mais il lui était impossible de le cacher au monde, et surtout à Mildred. Comme de raison, celle-ci n’en parlait pas davantage ; mais elles s’entendaient en silence, et trouvaient de la douceur à pleurer ensemble, ce qui leur arrivait souvent, surtout depuis un an.

— Réellement, Mildred, dit enfin la mère, après avoir réussi à calmer son émotion, souriant à son aimable fille tout en s’essuyant les yeux, cet amiral Bluewater à pour vous des attentions si particulières que je ne sais qu’en dire.

— Oh ! ma mère, c’est un vieillard charmant et il a tant de douceur, tant de franchise, qu’il gagne votre confiance avant que vous puissiez vous en apercevoir. Je voudrais savoir s’il parlait sérieusement en disant que celui qui ose noblement mérite d’être noblement aidé.

— Ce ne peut être qu’une plaisanterie, ma fille ; le ministère ne confierait pas le commandement d’une escadre à un autre qu’à un whig prononcé. J’ai vu plusieurs personnes de sa famille avant mon mariage, et j’en ai toujours entendu parler avec estime et respect. Lord Bluewater, cousin du contre-amiral, était ami intime du lord Wilmeter actuel, et on le voyait souvent au château de son père. Je me souviens d’avoir entendu dire que l’amiral Bluewater avait éprouvé dans sa jeunesse un désappointement en amour, et que c’est pour cette raison qu’il est resté garçon. Prenez donc garde à votre cœur, ma chère.

— Cet avertissement était inutile, ma mère, répondit Mildred en riant ; je puis aimer l’amiral comme un père, mais vous m’excuserez si je ne le trouve pas tout à fait assez jeune pour désirer d’être unie à lui par des liens plus étroits.

— Il exerce pourtant la profession que vous admirez tant, Mildred, répliqua sa mère avec un sourire malin. — Combien de fois vous ai-je entendue parler de votre passion pour la mer !

— C’était autrefois, ma mère. Je parlais alors en fille de marin, et sans beaucoup de réflexion, comme c’est la coutume des jeunes filles. Je ne crois pas voir à présent la profession de marin d’un œil plus favorable que toute autre ; car je crois que les femmes des militaires et des marins sont souvent exposées à bien des malheurs.

Un tremblement nerveux agita les lèvres de mistress Dutton mais, entendant quelqu’un s’approcher de la porte du salon, elle fit un effort pour se calmer, et l’amiral Bluewater entra.

— J’ai fui la bouteille pour vous rejoindre, vous et votre aimable