Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/108

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rendre à la première sommation. Il était donc naturel qu’avant d’ajouter une foi entière à ce qu’il venait d’entendre, il fit les objections qui se présentèrent à son esprit.

— Tout cela doit être une méprise, dit-il ; il y a des lougres anglais aussi bien que des lougres français, et celui qui est en ce moment dans cette baie est du nombre des premiers. Son commandant est un noble anglais, fils de milordo Smit ; et quoique son éducation ait été un peu négligée, tout ce qu’il dit et tout ce qu’il fait prouve sa noble origine et son caractère national. Le Ving-y-Ving est commandé par sir Smit, jeune officier plein de mérite, comme vous devez l’avoir vu vous-même ce matin, Signor, par ses évolutions. — Vous avez sûrement entendu parler du capitaine Smit, fils de milordo Smit ?

— Nous ne nions pas qu’il ne se soit échappé ce matin d’une manière fort adroite, vice-gouverneur. Le drôle est marin jusqu’au bout des ongles, brave comme un lion, mais impudent comme le chien d’un mendiant. Il n’y a aucun sir Smit, aucun sir que ce soit ; qui commande un de nos lougres. Nous n’avons pas un seul croiseur de cette espèce dans la Méditerranée, et les deux ou trois lougres que nous avons ailleurs sont commandés par de vieux loups de mer qui ont été élevés à bord de pareils bâtiments. Quant aux sirs, ils sont assez rares dans la marine, quoique le combat du Nil en ait fait quelques-uns. Vous ne trouveriez pas aisément le fils d’un lord sur un petit bâtiment de cette espèce, car les jeunes gens de cette classe passent rapidement du gaillard d’arrière d’une frégate au commandement d’une corvette, et après un an de service, ou environ, retournent à bord d’une frégate comme capitaines.

Une partie de ce discours fut de l’hébreu pour Barrofaldi ; mais Griffin, étant exclusivement marin, croyait que chacun devait prendre le même intérêt que lui à tout ce qui concernait la marine et l’avancement dans cette profession. Mais quoique le digne Andréa ne comprît guère que la moitié de ce que le jeune officier venait de lui dire, cette moitié suffisait pour le mettre fort mal à l’aise. D’une autre part, le ton de franchise du lieutenant portait la conviction avec soi, et il sentit renaître ses anciens soupçons contre le lougre.

— Qu’en dites-vous, signor Vito Viti ? dit-il ; vous avez été présent à toutes mes entrevues avec sir Smit.

— Je dis, vice-gouverneur, que nous avons été trompés par la langue la plus mielleuse qui se soit jamais trouvée dans la bouche d’un homme, s’il est vrai que nous ayons été trompés. Hier soir, j’aurais pu croire tout cela ; mais après le retour du lougre, j’aurais