Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/168

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vous, capitaine, car tous ces drôles sont armés de grands couteaux aussi longs que nos coutelas.

— Votre idée peut être juste, Griffin, et je renonce à mon projet. Allons, Davy, retournons à la frégate, et nous nous mettrons à la recherche de quelque autre de ces vauriens de républicains.

Au bout d’une demi-heure, le gig était hissé à sa place à bord de la Proserpine, et trois heures après elle mit à la voile et prit lentement le large, car le vent d’ouest fut très-léger ce jour-là, et le soleil se coucha à l’instant où la frégate se trouvait par le travers de la petite île de Pianosa. Le vent vint alors du nord, et le cap du bâtiment fut placé à l’est, sa route étant entre cette île et l’île d’Elbe. Pendant toute la nuit la Proserpine avança lentement le long de la côte méridionale de cette dernière île, et quand elle eut pris le vent du sud le matin, elle reparut dans le canal de Piombino, précisément comme elle l’avait fait quand son nom s’est présenté pour la première fois sous les yeux du lecteur. Cuff avait donné ordre, suivant sa coutume, qu’on l’éveillât au point du jour ; car, dans cette guerre active et importante, c’était sa pratique invariable d’être à cette heure sur le pont, afin de voir de ses propres yeux ce que le hasard de la nuit pouvait avoir mis à sa portée.

— Eh bien ! Griffin, dit-il après avoir reçu le salut de l’officier de quart, nous avons en une nuit bien tranquille. Voici la pointe de Piombino, et nous avons encore l’île d’Elbe et ce petit îlot rocailleux à bâbord. Comme un jour ressemble à un autre, et surtout pour nous autres marins !

— Pensez-vous réellement ainsi, capitaine ? Suivant moi, on ne trouverait pas sur les tables de loch de la Proserpine un jour égal à celui d’hier, depuis que nous avons pris l’Epervier et son convoi. Oubliez-vous la destruction du Feu-Follet ?

— Oui, c’est quelque chose ; surtout pour vous, Griffin. Eh bien ! Nelson l’apprendra bientôt, car je lui enverrai ma dépêche dès que nous serons à Livourne, et nous nous y rendrons dès que j’aurai pu avoir une entrevue avec ces bonnes gens de Porto-Ferrajo. Après tout ce qui s’est passé, le moins que nous puissions faire, c’est d’informer votre vitché-govern-a-tory du succès que nous avons obtenu.

— Une voile ! cria l’homme qui était en vigie sur la vergue du hunier de misaine.

Les deux officiers se retournèrent, regardèrent autour d’eux, et le capitaine fit la question d’usage : — De quel côté ?

— Près de nous à bâbord, capitaine, par notre hanche du vent.

— Par notre hanche du vent ! Du diable si cela peut être vrai,