Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/232

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enfin il y réussit. Dans ce rapport, il lui mandait que Raoul Yvard était son prisonnier, et lui expliquait de quelle manière et dans quelles circonstances ce corsaire célèbre était tombé entre ses mains, lui demandant ensuite comment il devait en disposer. Après lui avoir fait part de ce fait important, il hasardait quelques suggestions sur la probabilité que le Feu-Follet était dans ces parages, et sur l’espoir qu’il avait d’en découvrir la situation précise par le moyen d’Ithuel Bolt, dont il lui expliquait aussi l’arrestation, lui faisant sentir en même temps qu’il était à propos de mettre les deux prisonniers en jugement le plus promptement possible, afin de tâcher de tirer d’eux les renseignements nécessaires pour s’emparer du Feu-Follet. Il finissait sa lettre par demander avec instance que l’amiral lui envoyât une autre frégate, qu’il désignait, et sur le capitaine de laquelle il avait le rang d’ancienneté, et une corvette bonne voilière qui était à l’ancre dans la baie, pour l’aider à gagner le vent sur le lougre, attendu qu’il craignait que ce bâtiment n’eût de trop bonnes jambes pour que la Proserpine seule pût l’atteindre, surtout par les vents légers qui régnaient.

Quand cette lettre fut écrite, cachetée, et que l’adresse y eut été mise, le capitaine remonta sur le pont. On venait de piquer deux coups, c’est-à-dire qu’il était neuf heures du soir, et Winchester était presque seul sur le gaillard d’arrière. Les hommes de quart, étendus çà et là, sommeillaient pour la plupart, et tout était aussi tranquille qu’on pouvait l’attendre par une belle nuit éclairée par la lune, avec une légère brise et une eau calme, dans une baie comme celle de Naples. Le sommet du Vésuve était couvert de vapeurs, du milieu desquelles on voyait de temps en temps sortir un jet de flamme ; Capri se montrait dans les ténèbres à quelques milles sous le vent, et plus loin, par le bossoir sous le vent, on apercevait Ischia. Un ordre donné par Cuff mit en un instant tout le monde en mouvement. Les palans d’étais et de bouts de vergues furent accrochés sur le canot major ; le maître de manœuvres donna le coup de sifflet, et le canot fut enlevé au-dessus des bastingages et amené à la mer. Le commandement « embarquez, canotiers majors, » avait été donné, et répété dans la batterie ; les canotiers s’embarquèrent de suite et mâtèrent le canot. Roller parut, couvert d’une capote pour se garantir du froid de la nuit, et Cuff lui donna ses instructions.

— Hissez vos voiles, et dirigez-vous le long de la côte au nord, monsieur Roller, dit le capitaine, qui était sur le passe-avant sous le vent pour lui donner ses derniers ordres. Vous irez ainsi jusqu’aux environs du palais de la reine Jeanne, et alors vous ferez mieux de