CHAPITRE XIX.
olt ne fut pas mis en jugement. Il se présentait, quant à lui,
plusieurs difficultés sérieuses, et les ordres envoyés au capitaine Cuff
lui accordaient un pouvoir discrétionnaire. La peine à prononcer
contre lui ne pouvait guère être que celle de mort ; et indépendamment
de la perte qu’on ferait d’un homme vigoureux et bon marin,
cette affaire impliquait des questions de droit naturel qui pouvaient
ne pas être agréables à discuter. Quoique l’exercice de la presse par
un capitaine anglais sur des matelots américains à bord de bâtiments
de leur propre nation fût une des plus flagrantes injustices, soit en
politique, soit dans l’ordre moral, qu’une nation indépendante pût
souffrir de la part d’une autre, envisagée comme une pratique qui
dura pendant une génération entière, il y avait pourtant quelques
circonstances qui, jusqu’à un certain point, en diminuaient l’odieux.
Une partie des officiers de la marine dédaignaient d’avoir recours à
ce moyen de recruter leurs équipages, et laissaient aux esprits plus
grossiers de leur profession une prérogative qui répugnait à leurs
sentiments et à leurs habitudes. Nous nous rappelons même d’avoir
entendu un jour un marin américain, qui avait vu, en différentes
occasions, plusieurs de ses compatriotes soustraits de cette manière
à leur pavillon, dire qu’il n’avait jamais trouvé dans l’officier qui
exerçait cet acte de piraterie l’air, le port et les manières qui
auraient fait reconnaître un gentleman à terre ; et que lorsqu’un
officier faisant partie de cette classe abordait un bâtiment américain,
il laissait défiler devant lui tout l’équipage sans adresser une seule
question à personne.
Quoi qu’il en soit, il est incontestable qu’il existait dans le cœur d’un très-grand nombre d’officiers anglais une forte et généreuse opinion sur l’injustice commise par le gouvernement anglais envers une nation étrangère en abusant du droit de presse pour forcer d’entrer à son service des marins servant sous le pavillon de leur pays. Cuff n’avait peut-être pas tout à fait assez de délicatesse pour porter si loin ses idées sur ce sujet ; mais il était assez humain pour