Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, je me souviens de quelque chose de ce genre, à présent que vous m’en parlez. — Asseyez-vous, Clinch ; approchez-vous de la table et prenez un verre de grog. — Tom, mettez une bouteille de rhum de la Jamaïque devant M. Clinch. — À propos, Clinch, j’ai entendu dire que vous êtes marié vous-même ?

— De par le ciel, capitaine Cuff, c’est un des contes de vos midshipmen. Si l’on croyait la moitié de ce qu’ils disent, toutes les idées morales et religieuses iraient bientôt à la dérive. Nous avons à présent à bord de cette frégate un tas de midshipmen si extravagants que je ne conçois pas comment la patience de M. Winchester peut y tenir.

— Nous autres aussi, Clinch, nous avons été jeunes autrefois, et nous devons avoir de l’indulgence pour les folies de la jeunesse. Mais quelle sorte de logement avez-vous trouvé hier soir sur les rochers ?

— Aussi bon qu’on peut espérer d’en trouver hors de la vieille Angleterre. J’étais bord à bord avec une vieille femme nommée Giuntotardi-felouque italienne régulièrement construite il y a une soixantaine d’années.

— Ah ! mais vous savez sa langue, je crois ?

— J’ai tant couru le monde capitaine, que j’ai appris quelques mots de presque tous les jargons qu’on y parle, vu que cela est commode quand on veut demander quelque chose à boire ou à manger. Eh bien, elle m’a conté une longue histoire, car elle était dans la tribulation. Il paraît qu’elle a en ce moment à Naples un frère et une nièce qu’elle attendait avant-hier soir, et, comme ils ne sont pas arrivés, elle était dans une grande inquiétude, et désirait savoir si nous avions rencontré leur bateau.

— Par saint George ! Clinch, vous étiez sur la piste, et il est dommage que vous ne l’ayez pas su. Notre prisonnier dit qu’il a été dans cette partie du monde ; et nous aurions peut-être trouvé le fil de ses manœuvres en la questionnant adroitement. — J’espère que vous vous êtes quittés bons amis !

— Les meilleurs amis du monde, capitaine. Quiconque me nourrit et m’héberge comme il faut, n’aura jamais à craindre que je sois son ennemi.

— J’en réponds. C’est ce qui fait que vous êtes un sujet si loyal, Clinch.

Les traits de l’honnête marin changèrent un peu, et ses yeux se fixèrent successivement sur tout ce qui était dans la chambre, excepté sur ceux de son commandant. — Il y avait dix ans qu’il