Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/292

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prisonnier entrèrent, il les pria poliment tous deux de s’asseoir, invitant le premier à rester non-seulement pour être témoin de ce qui allait se passer, mais pour servir d’interprète en cas de besoin. Après un instant de silence, le capitaine entama la conversation, qui eut lieu en anglais, et Griffin eut à peine quelques mots d’explication à donner.

— Je regrette beaucoup, monsieur Yvard, de voir un homme aussi brave que vous dans la situation où vous vous trouvez, dit Cuff, qui, dans le fait, et à part l’objet particulier qu’il avait en vue, ne disait en cela que la vérité. Nous avons rendu pleine justice à votre courage et à votre jugement, tandis que nous faisions tous nos efforts pour vous avoir en notre pouvoir. Mais les lois de la guerre sont nécessairement sévères, et nous avons un commandant en chef qui n’est pas enclin au relâchement en ce qui concerne le devoir.

Cuff s’exprima ainsi, partie par politique, partie par l’habitude d’une crainte respectueuse de Nelson. Raoul prit ce discours sous le point de vue le plus favorable ; mais le but politique qu’il avait ne fut pas atteint, comme on le verra tout à l’heure.

— Monsieur le capitaine, un Français sait mourir pour la cause de la liberté et de son pays, répondit Raoul d’un ton poli, mais avec force.

— Je n’en doute pas, Monsieur ; cependant je ne vois pas la nécessité que les choses en viennent à cette extrémité. L’Angleterre est aussi libérale dans ses récompenses que puissante pour se venger. Peut-être pourrait-on trouver quelque moyen pour ne pas avoir à sacrifier d’une telle manière la vie d’un homme si brave.

— Je n’affecterai pas de jouer le rôle de héros, monsieur le capitaine ; et si l’on peut découvrir une voie honorable pour me tirer d’affaire faire dans cette crise, ma reconnaissance sera proportionnée au service qui m’aura été rendu.

— C’est parler sensément, et c’est en venir au point. Je ne doute pas que, lorsque nous nous entendrons bien, tout ne s’arrangea l’amiable entre nous. — Griffin, faites-moi le plaisir de vous servir un verre de vin et d’eau : c’est un breuvage rafraîchissant par la chaleur qu’il fait. J’espère que monsieur Yvard voudra bien en faire autant. C’est du vin de Capri, et il n’est certainement pas mauvais, quoique quelques personnes lui préfèrent le lacryma-christi, qu’on récolte, je crois, au pied du Vésuve.

Griffin accepta l’invitation, quoique ses traits fussent loin d’exprimer la satisfaction qui brillait sur la physionomie de Cuff. Raoul remercia, et attendit une explication avec un intérêt qu’il ne chercha