CHAPITRE XXII.
e jour commençait déjà à avancer ; les inquiétudes de Cuff devenaient
plus sérieuses, et ce n’était pas sans sujet. Les trois bâtiments
étaient encore dans la baie de Salerne, mais rassemblés vers la côte
septentrionale. La Proserpine était celui qui était le plus avancé dans
la baie, la Terpsichore et le Ringdove ayant gouverné vers Campanella
dès qu’ils avaient été convaincus qu’il ne se trouvait rien entre
eux et la côte. Les hauteurs qui la bordent, depuis le voisinage immédiat
de la ville de Salerne jusqu’au promontoire qui se termine près
de Capri, sont célèbres depuis longtemps, non-seulement pour leur
beauté et leur air de grandeur, mais pour les restes qu’on y trouve
du moyen-âge. Comme la Proserpine n’avait jamais été dans cette
baie, ou du moins n’y était jamais entrée si avant, les officiers trouvaient
un soulagement momentané à l’intérêt pénible qu’ils prenaient
au prisonnier, dans la vue d’un paysage aussi remarquable. La frégate
se trouvait par le travers d’Amalfi, et à moins d’un mille du rivage.
Son motif pour en approcher ainsi avait été de questionner quelques
pêcheurs, et les renseignements qu’on en avait reçus établissaient le
fait qu’aucun bâtiment ressemblant au lougre ne s’était montré dans
cette partie de la baie. Cette frégate présentait alors le cap au sud-ouest,
attendant le zéphyr, dont on pouvait espérer l’arrivée prochaine.
Vue du haut des rochers qui s’avançaient sur la mer, elle
aurait été prise pour un léger bâtiment marchand, sans la symétrie
et l’aspect belliqueux de tout son gréement ; car la nature a tout créé
le long de cette côte sur une échelle si colossale, que les objets qui
sont l’ouvrage de la main des hommes perdent la moitié de leur grandeur.
D’une autre part, les maisons de campagne, les églises, les
ermitages, les couvents et les villages qu’offrent les flancs des montagnes
sont une source d’illusions pour les yeux, et présentent partout
des vues qui laissent le spectateur dans le doute de ce qu’il doit
admirer davantage, de leur grandeur agreste ou de leur beauté pittoresque.
Le peu d’air qu’il faisait venait encore du sud, et tandis que