Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/305

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des rochers de fortune dans cette partie du monde. On m’assure qu’il y a dans les environs de Londres des lords qui font bâtir des montagnes dans leurs parcs, pour le plaisir de les regarder. Ce doit être quelque chose d’à peu près semblable aux monticules qu’on voit ici. Je n’ai jamais été au delà de Wapping quand j’étais à Londres ; je ne peux donc dire que j’aie vu aucune de ces montagnes artificielles, comme on les nomme ; mais il y a un certain Joseph Shirk, qui demeure dans Sainte-Catherine’s-lane, et qui fait régulièrement des croisières dans ces environs, et il m’en a rendu compte suffisamment.

— J’ose dire que tout cela est très-vrai, monsieur Strand, dit Catfall, et j’ai connu des matelots qui avaient fait de longs voyages, et qui avaient vu des choses bien plus étranges que celles que nous avons sous les yeux. Non, Monsieur, ces mounteignes-ci ne me paraissent pas grand-chose, et quant aux maisons et aux villages qu’on voit ici, on pourrait dire qu’on en trouve tout autant sur certaines îles désertes. Quand je faisais voile avec Cook….

Une relation très-merveilleuse des découvertes du capitaine Cook fut interrompue par l’arrivée de Cuff sur le gaillard d’avant. Il était rare qu’il parût sur cette partie du bâtiment ; mais partout où il allait, il était considéré comme un être privilégié. Dès qu’on l’aperçut, tous les vieux se levèrent par respect, et Strand lui-même quitta la place qu’il avait choisie pour la céder à son capitaine. Cuff y monta d’un pas aussi ferme que léger, car il n’avait encore que trente-six ans, et porta la main à son chapeau pour répondre au salut du maître d’équipage.

Un maître d’équipage, à bord d’un bâtiment de guerre anglais, est un personnage plus important que sur un bâtiment américain. Ni le premier lieutenant, ni même le capitaine ne dédaignent de converser avec lui par occasion, et on le voit quelquefois se promener sur le côté à tribord du gaillard d’arrière, s’entretenant avec l’un ou l’autre de ces grands dignitaires. Nous avons déjà dit que Cuff et Strand avaient servi autrefois ensemble, car le dernier était déjà maître d’équipage sur le bâtiment à bord duquel Cuff avait fait son apprentissage comme midshipman. Ni l’un ni l’autre n’avaient oublié cette circonstance, et Cuff rencontrait rarement cet officier de grade subalterne, dans les moments où il n’avait rien à faire, sans avoir quelques mots à lui adresser.

— Cette côte est assez remarquable, Strand, dit-il dès qu’il eut pris place sur le plat-bord ; on pourrait chercher en Angleterre, toute une semaine, quelque chose de semblable sans le trouver.