Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/336

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fallait répondre, s’il ne voulait que le canot étranger s’approchât bord à bord du sien, lui fit la réponse d’usage en italien.

Clinch, — car c’était lui qui, parti du Foudroyant un peu avant six heures, et retournant à la Proserpine, longeait la côte pour tâcher d’y découvrir le lougre, — grommela tout bas en voyant qu’il fallait qu’il parlât une langue étrangère, s’il voulait continuer une pareille conversation, rassembla le peu d’italien qu’il savait pour s’en servir en cette occasion ; et comme il avait croisé longtemps dans cette mer, il en savait assez pour l’objet dont il s’agissait.

— Est-ce un bateau de Massa ou de Capri ? demanda-t-il.

— Ni l’un ni l’autre, répondit Raoul, — n’osant se fier à la conscience de Carlo pour continuer une pareille conversation ; nous venons de doubler ce cap, étant partis de Santa-Agata, et portant des figues à Naples.

— Santa-Agata ? Ah ! c’est le village sur ces hauteurs. J’y ai passé une nuit moi-même chez Maria Giuntotardi.

— Qui peut être-cet homme ? murmura Ghita, ma tante ne connaît aucun étranger.

— À son accent, c’est un Anglais, répondit Raoul. J’espère qu’il ne nous demandera pas de figues pour son souper.

Clinch était bien loin de songer à des figues en ce moment ; et quand il reprit la parole, ce fut pour suivre le cours de ses pensées.

— Avez-vous vu rôdant quelque part sur cette côte un lougre ayant l’air suspect, gréé à la française et ayant un équipage français ?

— Oui, Signor, nous l’avons vu se diriger vers le nord dans le golfe de Gaëte, à l’instant ou le soleil se couchait, et il est sans doute allé jeter l’ancre sous les canons de ses compatriotes.

— Si cela est, dit Clinch en, anglais entre ses dents, il y trouvera l’eau un peu chaude ; nous avons là assez de bâtiments pour l’embarquer, le dépecer, et, dans l’espace d’un-quart, en faire un joli canot. — Et avez-vous aperçu ce soir une frégate près de la pointe de Campanella ? continua-t-il en italien ; j’entends une frégate anglaise de trente-six canons, et ayant trois huniers tout neufs ?

— Oui, Signor. Le feu que vous voyez là-bas, juste en ligne avec Capri, est un fanal attaché à son grand mât. Nous l’avons vue toute la soirée, et elle a même eu la bonté de nous prendre à la remorque pour nous aider à doubler le cap et entrer dans cette baie.

— En ce cas, vous allez me donner les renseignements que je désire. — Y a-t-il eu un homme de pendu à bord de ce bâtiment au coucher du soleil ?

Cette question fut faite avec le ton d’un homme qui y prenait tant