Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/370

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vement à bord du lougre et de la felouque pour inspecter leurs préparatifs, et dire un mot d’encouragement à leurs équipages. Il trouva presque tout dans le meilleur ordre, et eut à peine quelques changements à faire. Sa conversation avec son premier lieutenant fut très-courte : c’était un officier très-expérimenté, surtout en ce genre d’attaque et de défense, et Raoul avait toute confiance en lui. Sa conférence avec Ithuel fut plus longue, non qu’il se méfiât de lui, mais il savait que l’Américain avait dans l’occasion des ressources extraordinaires, et qu’il fallait qu’il eût l’esprit monté pour les employer.

— Tout cela est au mieux, Ithuel, lui dit-il quand il eut fini son inspection. Maintenant presque tout dépend de l’usage que vous ferez de vos caronades.

— Je sais cela aussi bien que vous, capitaine Roule ; et, qui plus est, je sais que je vais me battre avec une corde au cou. Ces démons incarnés n’oublieront rien de ce qui s’est passé, et ils s’en donneront à nos dépens, si nous ne pouvons nous en donner aux leurs, ce qui serait plus juste et plus agréable.

— Tâchez de ne pas brûler une amorce sans que le coup porte.

— Moi ! — ne craignez rien, capitaine Boule. J’aime l’économie par nature : ce serait être prodigue, et je mets la prodigalité au nombre des péchés. Chaque coup portera, et je prendrai toujours pour point de mire la tête de ces maudits Anglais. Je voudrais que Nelson fût lui-même sur un de ces canots. — Je ne lui veux pas de mal, mais je voudrais qu’il y fût.

— Et moi, j’aime mieux qu’il n’y soit pas, Ithuel. Nous avons déjà affaire à assez forte partie, soit dit entre nous, et je lui permets de rester à bord de son Foudroyant. — Vous voyez que les ennemis se sont arrêtés pour tenir conseil ; nous aurons bientôt de leurs nouvelles. — Adieu, mon ami ; songez à nos deux républiques.

Raoul serra la main de l’Américain, et retourna sur sa yole. L’îlot aux ruines n’était pas bien loin, mais il avait à faire un détour pour y arriver. Pendant ce temps, il découvrit un bateau qui venait du côté de la Marinella, au pied du Scaricatojo, et qui était arrivé si près, sans être aperçu, que Raoul ne put s’empêcher de tressaillir en le voyant. Un second coup d’œil lui prouva pourtant qu’il ne venait pas avec des intentions hostiles, car il ne s’y trouvait que Giuntotardi qui tenait les avirons, et sa nièce, assise sur l’arrière, la tête courbée sur sa poitrine et paraissant pleurer. Raoul était seul sur sa yole, et il la conduisait avec une seule rame ; il fit toute la hâte possible pour aller recevoir, avant qu’ils arrivassent aux rochers, des visiteurs qu’il