Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/409

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suivait s’accrut à mesure qu’ils avançaient, Ghita étant connue et respectée de tous les habitants de ces hauteurs ; et quand il arriva dans la rue de Santa-Agata, il était composé d’une centaine de personnes.

L’édifice en ruines qui couronne encore aujourd’hui une des hauteurs voisines était alors une communauté religieuse, et l’influence de Carlo Giuntotardi suffit pour obtenir que Raoul Yvard y reçût les honneurs funèbres. Son corps fut déposé trois jours et trois nuits dans la chapelle de ce monastère ; des messes y furent célébrées pour le repos de son âme, et enfin il fut enterré dans le cimetière du couvent, pour y rester jusqu’à ce que le son de la dernière trompette l’en rappelle.

Il existe dans le cœur de l’homme une étrange disposition à refuser à un homme vivant des éloges qu’on lui accorde volontiers après sa mort. Quoique nous pensions que l’envie et la calomnie qui marchent à sa suite, sont des vices particulièrement démocratiques, c’est-à-dire que la démocratie est le sol sur lequel ils prennent le plus de développement, cependant il y a beaucoup de raisons pour croire que la nation dont nous tirons notre origine se distingue entre toutes sous ce rapport. Ce qui arriva plus tard à Napoléon après son emprisonnement et sa mort, fut alors le partage de Raoul Yvard, toute proportion gardée. Après avoir été un objet de détestation générale sur toute l’escadre anglaise, il y devint tout à coup l’objet d’un intérêt général. Dès qu’il fut mort et qu’on ne le craignit plus, on vanta ses talents comme marin, on admira son caractère chevaleresque, et l’on porta au ciel son courage indomptable. Winchester, Mac Bean, O’Leary et Clinch suivirent son convoi funèbre. Ils avaient prouvé qu’ils en étaient dignes, mais leur exemple fut suivi par beaucoup d’autres qui n’avaient pas les mêmes droits. Les uns, n’ayant jamais vu cet aventurier si célèbre, voulaient du moins voir son cercueil ; les autres désiraient pouvoir dire qu’ils avaient assisté à ses obsèques ; un grand nombre espéraient entrevoir la jeune fille dont l’amour innocent et romanesque avait été depuis quelques jours le sujet de toutes les conversations dans l’escadre anglaise. Il en résulta que les restes du jeune corsaire furent portés au tombeau par un nombreux cortège qui produisit dans le petit hameau de Santa-Agata une sensation extraordinaire. Ghita fit peu d’attention à ces marques extérieures et tardives de respect ; elle ne songeait qu’à offrir ses prières au ciel pour le salut de l’âme de celui qu’elle avait tant aimé.

Andréa Barrofaldi et Vito Viti figurèrent aussi dans cette cérémonie funèbre. Le dernier avait eu grand soin de dire à quiconque avait