Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/56

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service du roi d’Angleterre ; et pourquoi il y reste, si ce service lui déplaît, quand il pourrait trouver tant d’occasions d’en sortir.

— Je n’y suis jamais entré, répondit Ithuel, prenant ce mot à la lettre. Les Anglais m’ont pris par la presse, comme un chien dont ils auraient eu besoin pour faire aller un tourne-broche, et ils m’ont tenu sept ans à me battre pour eux, et à servir comme bon leur semblait. J’étais l’année dernière à cette petite affaire de l’embouchure du Nil, puis à celle du cap Saint-Vincent et à une douzaine d’autres, et toujours contre ma volonté, sous tous les rapports. Cela était assez dur à supporter, mais ce n’est pas le pire, et je ne sais si je pourrai me résoudre à dire le reste.

— Tout ce que l’Américain peut juger à propos de nous dire sera écouté avec plaisir.

Ithuel ne savait trop s’il devait parler ou se taire. Il consulta son flacon, et y ayant puisé une nouvelle chaleur, il continua :

— Eh bien ! le pire est d’ajouter l’insulte à l’injustice. C’est bien assez de faire une injustice à un homme ; mais quand on vient à l’insulter, il faut qu’il y ait en lui bien peu d’acier, s’il ne tire du feu du sein d’une pierre.

— Et pourtant peu de gens sont victimes d’une injustice sans être calomniés, dit le vice-gouverneur philosophe. Cela ne se voit que trop souvent dans notre Italie, voisin Vito Viti.

— Je calcule que les Anglais traitent tout le monde de même, soit en Italie, soit en Amérique, reprit Ithuel. Mais ce que j’ai toujours trouvé le plus dur à souffrir, c’est qu’ils étaient toujours à m’asticoter sur mon langage et mes manières, et à se moquer de moi comme si je parlais et j’agissais en vrai Yankee. Il est pourtant reconnu, parmi nous autres en Amérique, que nous parlons le meilleur anglais possible, et l’on n’y trouverait personne qui prononçât hog og, et anchor hanchor. Que pense-t-on de cela dans votre partie du monde, signor squire ?

— Nous ne pouvons nous ériger en critiques de votre langue, signor Bolto ; mais on doit raisonnablement supposer que les Anglais parlent leur propre langue mieux que toute autre nation. Vous devez du moins leur accorder cela.

— Je ne leur accorderai pas cet avantage. Je n’ai pas été à l’école pour rien ; non, sur ma foi. Les Anglais prononcent clerk clark, cucumber cowcumber, et nul raisonnement ne me persuadera jamais qu’ils ont raison. Je pourrais vous citer une kyrielle de mots qu’ils prononcent aussi ridiculement, et elle serait aussi longue qu’une paire de lisières à conduire les enfants, ou la drosse du gouvernail