CHAPITRE VII.
« En vérité, Monsieur, il y a des fripons qui ont l’œil au guet, et il est à propos qu’on soit sur ses gardes.
— Ne crains rien, tu ne perdras rien ici.
— Je l’espère, Monsieur, car j’ai sur moi plusieurs rouleaux d’argent. »
elle était à midi la situation des choses à Porto-Ferrajo, et c’était
l’heure où les habitants songeaient à leur dîner. Un grand nombre
faisaient ensuite leur sieste, quoique l’air de la mer et la fraîcheur
fortifiante qui l’accompagne doivent leur en faire sentir le besoin
moins qu’à la plupart de leurs voisins du continent. Dans l’après-midi,
tout reprit un aspect animé au retour du zéphyr ou de la brise
d’ouest. Ces changements dans les courants d’air sont si réguliers
pendant les mois d’été, que le marin peut compter sans crainte de
se tromper d’avoir une légère brise du sud le matin, un calme à midi
— la sieste de la Méditerranée ; — un vent frais et délicieux venant
de l’ouest à trois ou quatre heures, et enfin une brise de terre quand
la nuit est tombée. J’ai vu cet ordre de choses durer sans interruption
des semaines entières, et quand il y survenait par hasard quelques
changements, ce n’était que de courts épisodes de pluies et
d’orages, qui sont pourtant plus rares en Italie que sur les côtes de
l’Amérique.
Telle était donc la situation de Porto-Ferrajo au commencement de la soirée qui succéda à cette journée de trouble et d’agitation. Le souffle du zéphyr se fit de nouveau sentir ; les oisifs sortirent de chez eux pour faire leur promenade du soir, et les commères se réunirent pour se livrer à de nouvelles conjectures, et reprendre une discussion déjà épuisée. Ce fut en ce moment que le bruit se répandit dans toute la ville, et passa de bouche en bouche avec la rapidité d’une traînée de poudre à laquelle on vient d’appliquer la mèche ; que le Ving-y-Ving arrivait de nouveau du côté au vent de l’île, précisément comme il y était arrivé le soir précédent, c’est-à-dire avec la confiance d’un ami et la rapidité du vol d’un oiseau. Jamais, de mémoire d’homme, pareil tumulte n’avait régné dans la capitale de l’île d’Elbe. Tous les habitants, hommes, femmes et enfants, sortaient à la hâte de leurs maisons, et gravissaient les rues escarpées conduisant à la promenade sur les hauteurs, comme pour se convaincre par leurs propres yeux de la réalité de quelque miracle. En vain les gens âgés et infirmes