Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/99

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Ghita en rien. Auprès d’elle il avait toujours été toute sincérité, et l’influence qu’il avait obtenue sur le cœur pur de cette jeune fille était autant le résultat du sentiment véritable qu’il l’éprouvait pour elle, que de son extérieur noble et mâle et des moyens de plaire qu’il possédait. C’eût été un objet intéressant d’observation pour quiconque aurait été curieux d’étudier la nature humaine, de remarquer quel effet l’innocence et la simplicité du caractère de Ghita avaient produit sur ce jeune homme, en tout ce qui avait rapport à elle, au point qu’il ne voulait même pas feindre en sa présence des sentiments religieux qu’il n’avait certainement point, quoiqu’il sût que c’était le seul obstacle à l’union qu’il sollicitait depuis près d’un an, et qui était l’objet qu’il avait le plus à cœur. Il n’était pas le même dans ses rapports avec Andréa Barrofaldi et Vito Viti, et surtout avec les Anglais, qu’il détestait, et il était rarement plus heureux que lorsqu’il travaillait à les tromper, comme il le faisait en ce moment.

Le vice-gouverneur, ayant établi des relations si amicales avec le signor Smit, ne pouvait moins faire que de l’inviter à entrer au palais avec lui et le podestat. Comme il faisait encore trop clair pour qu’il pût chercher à avoir une entrevue avec Ghita, le jeune marin accepta cette invitation avec plaisir ; mais, avant d’y entrer, il profita de la situation élevée qu’il occupait pour examiner avec soin toute la côte de la mer. Ce court délai de la part de Raoul permit au podestat de dire quelques mots en particulier à son ami.

— J’espère, dit-il avec empressement que vous avez trouvé chez sir Smit tout ce que votre sagesse et votre prudence pouvaient désirer ? Quant à moi, je le regarde comme un jeune homme fort intéressant, et destiné à commander des flottes et à décider un jour, de la fortune des nations.

— Il est plus aimable et même plus instruit que je ne l’avais supposé, voisin Vito Viti. Il a abandonné son sir Cicéron avec une grâce qui fait regretter qu’il se soit trouvé dans cette nécessité ; et de même que vous, je ne doute pas qu’il ne devienne avec le temps un amiral illustre. Il est vrai que son père n’a pas pris les soins convenables de son éducation ; mais il n’est pas encore trop tard pour remédier à ce mal. Priez-le d’entrer, car il me tarde d’attirer son attention sur certains ouvrages qui peuvent lui être très-utiles dans sa profession.

Pendant ce temps, Raoul continuait à examiner la mer. Il y vit deux ou trois petits bâtiments côtiers, felouques, suivant la coutume, qui n’osait s’éloigner du rivage, craignant du côté du sud les corsaires barbaresque, et du côté du nord les Français. Ils auraient été