tendu dire pour me laisser duper aisément, et je sus me tenir sur mes gardes, restant simple spectateur de ce qui se passait sous mes yeux. Les leçons du bon M. Hardinge n’étaient pas de celles qui s’oublient, et elles étaient toujours présentes à mon cœur.
Je n’oublierai jamais une visite que je fis dans une maison appelée le Cheval Noir, dans Sainte-Catherine’s Lane. C’était une rue étroite qui traversait l’emplacement des chantiers qui portent aujourd’hui le même nom ; c’était là le siège de tout ce qu’il y avait de plus infâme à Wapping. Je dis à Wapping ; car il y avait dans certaines parties du West-End des infamies encore plus grandes que tout ce qu’un simple port peut produire. Le commerce, qui fournit à l’homme tout ce qui lui est utile, a son mauvais côté, comme toutes les choses de la terre ; et entre autres maux, il entraîne à sa suite une longue série de vices révoltants ; mais n’en trouve-t-on pas plus encore et de plus honteux chez les grands ? Les apparences exceptées, le West-End l’emporte sous ce rapport sur Wapping ; et si l’on fait entrer les alentours de Saint-Gilles dans la balance, la terre n’aura plus rien à envier à l’Océan.
Ce fut un dimanche que notre visite eut lieu, parce que c’est le moment où la classe ouvrière, n’ayant rien à faire, revêt ses beaux habits pour se montrer dans le monde. Je ferai remarquer en passant que je n’ai jamais vu observer le dimanche dans aucun pays de la chrétienté de la même manière qu’aux États-Unis. Dans tous les autres pays, je parle même des plus rigides, c’est un jour de récréation et de repos, aussi bien que de dévotion publique. Même dans les villes des États-Unis, les vieilles habitudes se perdent, et le dimanche n’est plus ce qu’il était. J’ai assisté depuis quelques années, dans les faubourgs de New-York, à des scènes de désordre, de blasphème, d’infamies, comme je n’en ai vu dans aucune autre partie du monde, et je me suis demandé sérieusement si ces principes d’un puritanisme exagéré avaient bien atteint leur but. Je n’examine pas ici la doctrine ; mais, au point de vue du monde, il semblerait sage, si vous ne pouvez rendre les hommes tout ce qu’ils devraient être, de faire la part de leurs faiblesses, pour qu’ils ne la fissent pas eux-mêmes, et bien plus large alors. Mais revenons au Cheval Noir.
Je n’ai pas besoin de dire quel genre de femmes fréquentaient cette maison ; la plupart étaient jeunes, plusieurs étaient jolies, mais toutes étaient le rebut de la société. — Quant aux hommes que vous voyez ici, me dit Sweeney après avoir demandé un pot de bière et m’avoir fait asseoir à une table vacante, la moitié sont des bandits ou des escrocs, qui viennent passer gaiement la journée au milieu de vous