pas un fond à quelque distance du récif sur lequel nous ne pouvions manquer d’être jetés avant quinze ou vingt minutes, si nous ne trouvions pas quelque moyen de nous arrêter.
— Soit, monsieur Wallingford, s’écria Marbre ; c’est une bonne idée, et elle vous fait honneur.
Cinq minutes après j’étais parti, passant, à force de rames, sous la joue sous le vent du navire. Debout sur l’arrière, j’étais continuellement la sonde à la main au milieu de l’écume que soulevaient nos avirons. Le récif était alors parfaitement visible, et je pouvais voir en même temps ainsi qu’entendre ces longues et terribles lames de fond qui, rencontrant ces barrières inattendues, s’y brisaient, et franchissaient l’obstacle en se dressant. Dans cet instant critique où je n’aurais pas donné un seul pouce de terre de Clawbonny pour la Crisis et tout ce qu’elle contenait, je vis sous le vent un point où l’onde ne venait pas se briser, et paraissait calme en comparaison. Nous n’en étions pas à cinquante brasses, et je me dirigeai sur-le-champ de ce côté, en excitant nos rameurs à redoubler d’efforts. Nous fûmes en un instant dans cette petite ceinture d’eau tranquille, et le courant emporta la yole avec tant de rapidité que je n’eus le temps de jeter la sonde qu’une seule fois ; le fond était à six brasses !
Je virai aussitôt de bord pour retourner au bâtiment. Heureusement il était à portée de la voix, continuant à gouverner au plus près, quoique, pour un pas fait dans la direction voulue, il en fit trois vers le récif. Je le hélai de toutes mes forces.
— Qu’y a-t-il, monsieur Wallingford ? demanda Marbre avec autant de calme que s’il eût été à l’ancre sous le quai de New-York.
— Voyez-vous l’embarcation, commandant ?
— Parfaitement. — Vous êtes assez près pour cela.
— La Crisis gouverne-t-elle passablement ?
— Passablement, c’est tout ce qu’on peut dire.
— Alors, ne faites point de question, et tâchez de suivre la yole ; c’est la seule chance que nous ayons, et elle peut être bonne.
On ne me répondit pas ; mais j’entendis Marbre crier de sa voix retentissante : La barre au vent ! du monde sur les bras du vent ! Je pouvais à peine respirer, en voyant la Crisis faire son abatée et avancer lentement. Cependant sa marche devint bientôt plus rapide, et je gagnai assez dans le vent pour laisser à la Crisis l’espace nécessaire pour gouverner. Enfin, j’entrai dans la passe ; l’eau se brisait des deux côtés de la yole, à dix brasses tout au plus, et son écume venait rejaillir jusque sur nos avirons ; mais la sonde me donna tou-