Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Londres et de Paris ; mais ici ce que j’étais condamné à écouter n’était autre chose qu’un bavardage vulgaire, sot, impertinent, de gens qui voulaient s’immiscer à tort et à travers dans les affaires de personnes haut placées qu’ils voulaient affecter de connaître Sans doute, à Clawbonny, nous avions aussi nos petits commérages, mais sans trop nous écarter de la vérité, et surtout sans chercher à percer ces secrets intimes que nous n’avons pas le droit de violer. Mes passagers, au contraire, ne connaissaient ni règles, ni limites. Comme certain éditeur d’un journal de ma connaissance, qui semble croire que toutes les choses de la terre et du ciel n’ont été créées que pour lui fournir matière à paragraphes, ils paraissaient penser que toutes les personnes de leur connaissance n’existaient que pour leur fournir matière à conversation. Il faut cependant qu’il y ait quelque motif particulier pour un pareil espionnage, et voici l’explication que j’en ai trouvée à la fin. J’avais entendu dire que, parmi les Puritains, le gouvernement de l’église descendait dans tous les détails de la vie ; que c’était une partie de leurs devoirs religieux de s’observer les uns les autres, et de servir Dieu en démasquant le vice. C’est une terrible tentation offerte à ceux qui aiment naturellement à se meubler la tête des faits et gestes du voisinage ; et à quoi bon prendre une cargaison de marchandises, comme nous disons à bord, si ce n’est pour la débiter ensuite ? Puis viennent les institutions, ces élections qui ne finissent jamais, et ce prétendu droit des électeurs de faire des questions sur toute chose ; et enfin, pour couronner l’œuvre, les journaux, qui s’arrogent le pouvoir de pénétrer dans l’intérieur de la maison, que dis-je ? dans le cœur même de l’individu, pour en dévoiler tous les secrets. Faudrait-il s’étonner, après cela, si nous devenions un jour une nation de cancaniers ? Quant à mes passagers, Neb, lui-même, ne tarda pas à en avoir assez.

Fut-ce en punition d’avoir à bord une pareille engeance, ou par quelque autre cause ? ce qui est certain, c’est que, lorsque nous venions d’épuiser Salem, et que nous commencions à mordre à belles dents dans la bonne ville de Boston, le temps changea. Le vent commença à souffler par bouffées, tantôt d’un point de l’horizon, tantôt de l’autre, et il nous fallut diminuer beaucoup de voiles, pour ne pas être pris au dépourvu ; enfin, ces fantaisies capricieuses des éléments se terminèrent par un coup de vent terrible, tel que j’en ai rarement vu. C’est une grande erreur de supposer que les plus gros temps arrivent dans les mois d’automne, de printemps ou d’hiver ; les plus forts coup de vent que j’aie essuyés ont presque toujours eu lieu en plein été. C’est la saison des ouragans ; et, hors des tro-