— Il n’est pas plus mon père que celui de Rupert, apparemment. Vous en conviendrez, j’espère.
— Toujours Rupert ! Qu’a-t-il de commun avec votre fantaisie d’aller sur mer ?
— Promettez-moi le secret, et vous saurez tout. Mais il faut que Lucie me donne aussi sa parole. Je sais qu’ensuite nous pourrons être tranquilles.
— Donnons-la, Grace, dit Lucie à demi-voix et en tremblant un peu. De cette manière, nous apprendrons ce qu’ils veulent faire, et nous pourrons raisonner ces mauvaises têtes.
— Eh ! bien, je vous le promets, Miles, dit ma sœur d’une voix si solennelle que j’en fus presque effrayé.
— Et moi aussi, Miles, ajouta Lucie, mais d’une voix si faible que je l’entendis à peine.
— Allons, voilà qui est bien. Je vois que vous êtes toutes deux raisonnables, et vous pourrez nous servir. Rupert et moi nous sommes bien décidés ; nous voulons être marins.
Un cri s’échappa des lèvres des deux jeunes filles, puis il y eut encore un long silence.
— Quant au droit, au diable le droit, continuai-je en toussant pour me donner du courage. — Est-ce qu’il y a jamais eu un Wallingford homme de loi ?
— Mais il y a eu des Hardinge ministres, dit Grace en s’efforçant de sourire, mais avec une expression si triste qu’encore aujourd’hui je ne puis me la rappeler qu’avec un serrement de cœur.
— Et marins aussi, s’écria Rupert avec plus d’énergie que je ne le croyais possible, — mon bisaïeul était officier de marine.
— Mon père a servi aussi dans la marine.
— Mais il n’y a point de marine à présent dans ce pays, Miles, reprit Lucie d’un ton suppliant.
— Comment donc ? Il y a des bâtiments en quantité. C’est tout ce qu’il nous faut.
— Sans doute. Ce que nous voulons, c’est aller sur mer, et on peut le faire à bord d’un bâtiment marchand tout aussi bien que d’un vaisseau de guerre.
— Oui, dis-je en me redressant d’un air d’importance, je crois qu’un bâtiment qui va droit à Calcutta en doublant le cap de Bonne-Espérance, sur les traces de Vasco de Gama, n’est pas tout à fait un sloop d’Albany.
— Qu’est-ce que Vasco de Gama ? demanda vivement Lucie.
— Rien qu’un noble Portugais qui découvrit le cap de Bonne--