Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actuelle, il était du nombre de ceux qui s’étaient disséminés dans les plaines et dans les bois pour me chercher ; et ce fut justement lui qui me découvrit.

La manière solennelle dont Vulcain m’aborda eût suffi, à défaut d’autre preuve, pour montrer quel coup terrible venait de frapper Clawbonny. Les yeux de ce misérable étaient toujours rouges ; mais il était facile de voir que lui aussi il avait versé des larmes. Il savait qu’il n’était pas mon favori ; il venait rarement près de moi, à moins qu’il n’eût à s’excuser de quelque négligence ou de quelque faute, et il était en quelque sorte au ban pour ses méfaits continuels. Néanmoins ce sentiment de douleur qui nous était commun à tous l’enhardit, et Neb lui-même ne m’aurait pas parlé avec plus d’abandon et en même temps de respect.

— Oh ! maître ! s’écria-t-il, certain que sur ce sujet du moins nous serions d’accord, bonne jeune maîtresse ! jamais pauvre nègre ne verra sa pareille !

— Ma sœur est au ciel, Vulcain, et c’est là que tous, tant que nous sommes, noirs et blancs, nous devons nous efforcer de la rejoindre, en vivant d’une manière qui nous mérite la miséricorde de Dieu.

— Maître croit cela possible ? demanda le vieillard en fixant ses gros yeux sur moi avec une attention qui prouvait que tout sentiment moral n’était pas encore éteint en lui.

— Tout est possible à Dieu, Vulcain. Pourvu que vous ayez toujours ses commandements présents à l’esprit, vous pouvez encore espérer de voir votre jeune maîtresse et de partager son bonheur.

— Merveilleux ! s’écria Vulcain ; ce que dit maître est grande consolation pour pauvre esclave. Jeune maîtresse, quand elle était petite dame, venait à la porte de ma boutique, et demandait voir sauter les étincelles.

— Vous êtes venu me chercher, Vulcain, et je vous remercie de votre attention. Je vais retourner à la maison ; soyez donc sans inquiétude. N’oubliez pas que le seul espoir qui nous reste de revoir jamais miss Grace, c’est de vivre comme elle a vécu, en suivant les bons préceptes de M. Hardinge.

— Merveilleux ! répéta le vieillard, qui se trouvait dans une disposition d’esprit favorable pour recevoir une leçon de ce genre. — Oui, jeune maîtresse venait à la boutique de vieux Vulcain pour