Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’état du pays empêcha l’exécution de ce projet, et il fut obligé de conserver les anciennes limites. La position géographique de la vallée la mettait hors des obligations ordinaires du service militaire, et comme on avait quelques doutes sur les opinions de son propriétaire à cause de la présence de son fils dans l’armée royale, de ses propres relations avec les Anglais, et des secrètes machinations de Joël, les autorités furent très-contentes de laisser la colonie tranquille, pourvu qu’elle voulût bien prendre soin d’elle-même. Malgré le patriotisme proéminent de Joël Strides et du meunier, ils furent très-satisfaits de l’état des choses, préférant la paix et la tranquillité aux tumultueuses scènes de la guerre. Leurs plans, d’ailleurs, avaient rencontré quelques obstacles dans les sentiments des habitants de la vallée qui, dans une occasion faite pour mettre à l’épreuve leur attachement pour leur patron avaient plutôt montré qu’ils se souvenaient de sa justice de sa libéralité, de sa conduite droite, que des insinuations de Joël. Cette manifestation de respect eut lieu quand il fut question d’élire un représentant, et tous les individus de l’habitation, à l’exception des deux conspirateurs, donnèrent leurs voix au capitaine.

Cette expression de sentiments fut si générale qu’elle força pour ainsi dire Joël et le meunier à se mettre d’accord avec les autres, et à voter contrairement à leurs propres désirs. Quelqu’un qui eût habité la Hutte pendant l’été de 1776 n’aurait jamais pu s’imaginer qu’il était dans un pays troublé par une révolution et bouleversé par une guerre. Là tout était paisible et calme : les bois gémissant avec les vents dans leur sublime solitude, le soleil donnant sa chaleur à un sol reconnaissant et fertile, la végétation mûrissant et produisant avec toute l’abondance d’une généreuse nature, comme dans les jours les plus tranquilles de paix et d’espérance.

— Il y a quelque chose d’effrayant dans le calme de cette vallée, Beulah, dit Maud un dimanche qu’elle et sa sœur regardaient par la fenêtre de la bibliothèque, admirant le calme de la forêt et écoutant les sons mélancoliques de la cloche. Il y a ici un calme effrayant et à une heure où peut-être les combats et le carnage marchent activement dans le pays. Oh ! pourquoi cet odieux congrès a-t-il pensé à faire la guerre !

— Evert m’écrit que tout va bien, Maud, que les temps arriveront où le peuple sera satisfait, et que l’Amérique sera une