Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/195

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velle ; mais je cours la rassurer. Il n’y a pas cinq minutes que je l’ai quittée, tressaillant à chaque pas qu’elle entendait, persuadée toujours que c’était quelque messager de malheur.

À peine Guert avait-il achevé ces mots, qu’il s’était élancé dans la maison, et l’instant d’après Anneke et Mary Wallace se précipitaient dans les bras l’une de l’autre. Mistress Bogart fut reconduite à son hôtel, et ainsi se termina cette mémorable expédition.

À peine Guert avait-il couru moins de dangers que je ne l’avais cru ; aussi son histoire ne fut-elle pas longue à raconter. Il paraît qu’au moment où il avait atteint avec miss Wallace le bord de la dernière île du côté de la terre, un gros glaçon était entré dans ce bras de la rivière, ou plutôt y avait été poussé de force par la pression des masses énormes détachées d’en haut, de sorte qu’il s’y trouvait comme captif, quoique, resserré entre les deux bords, il perdit par le frottement quelques fragments qui se brisaient en poussière. La présence d’esprit et la résolution de Guert ne l’abandonnèrent pas alors. Sans perdre un instant, il conduisit Mary sur ce glaçon, et traversa ainsi le bras étroit qui le séparait seul de la terre. L’eau commençait bien à se répandre sur la surface du glaçon ; mais ce n’était point un obstacle sérieux pour des personnes aussi agiles. Une fois en sûreté, nos amis restèrent pour voir s’ils ne pourraient pas nous engager à prendre le même chemin ; et le cri que nous avions entendu avait bien été poussé par Guert, qui était revenu jusqu’à l’île dans l’espoir de nous rejoindre et de nous diriger. Ce ne fut pas Guert qui me donna ces détails ; mais j’appris plus tard de Mary Wallace que ce n’était qu’avec beaucoup de peines et en courant de grands dangers qu’il avait pu retourner auprès d’elle, après s’être épuisé en efforts impuissants pour sauver ses compagnons. Jugeant inutile de rester plus longtemps sur le bord de la rivière, il se dirigea alors avec Mary Wallace vers Albany. À minuit ils étaient en face de la ville, mais de l’autre côté de l’eau ; ils venaient de faire à pied au moins six milles, remplis d’inquiétude sur le sort de ceux qu’ils laissaient derrière eux. Guert n’était jamais indécis, et il se dit qu’il valait mieux aller en avant que de chercher à réveiller les habitants de quelque maison. La rivière était alors dégagée de sa couche de glace, quoique le courant fût très-rapide.