Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/214

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prête, à en faire une. Les hommes doivent savoir attendre.

— Mais c’est qu’en vérité on la dirait instruite de tout, Corny ! j’avais bien entendu parler de l’art de cette femme ; mais il dépasse tout ce que je pouvais croire ! — Bonne mère, pourriez-vous me dire comment je dois m’y prendre pour obtenir le consentement de la femme que j’aime ?

— Il faut le demander une fois, deux fois, trois fois.

— Par saint Nicolas, je ne fais pas autre chose ; et s’il ne fallait que demander, elle serait ma femme depuis plus d’un mois. — Qu’en pensez-vous, Corny ? Non, je ne ferai pas cette question, il ne serait pas bien de chercher à pénétrer les secrets du cœur d’une femme par des moyens semblables.

— L’écu a été déposé, la vérité doit être dite. La dame que vous aimez vous aime et ne vous aime pas ; elle veut de vous, et elle n’en veut pas ; elle pense oui, et elle dit non.

Pour le coup Guert trembla de tous ses membres.

— Corny, il ne saurait y avoir grand mal à demander si l’aventure de la rivière m’a été favorable ou nuisible. Oui, je puis le lui demander, n’est-ce pas ? — Eh bien ! voyons la mère ! suis-je mieux ou plus mal dans mes affaires par suite d’une certaine chose qui est arrivée il y a un mois vers l’époque de la débâcle, lors de la grande inondation ?

— Guert Ten Eyck, pourquoi me mettre ainsi à l’épreuve ? demanda solennellement la sibylle. J’ai connu ton père et j’ai connu ta mère. J’ai connu tes ancêtres en Hollande, et leurs enfants en Amérique. Je vous ai connus tous de génération en génération, et tu es le premier de ta race que j’aie vu si mal habillé. Crois-tu donc, enfant, que la vue de la vieille Dorothée s’affaiblit, et qu’elle ne soit plus en état de reconnaître sa propre nation ? Je t’ai vu sur la rivière — ah ! ah ! ah ! c’était un drôle de spectacle — et Jack et Moïse ! comme ils reniflaient et comme ils galopaient ! crac ! crac ! la glace crève, l’eau arrive de toutes parts, gare ! gare ! prends garde de recevoir ce pont sur la tête ! — Allons, prends soin, toi, de cet oiseau, et toi, de celui-là ; et avec le temps le gibier reviendra au chasseur. Réponds à une seule question, Guert Ten Eyck, mais réponds franchement : ne connaîtrais-tu pas un jeune homme qui se dispose à partir pour les bois ?