Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/219

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peut rien croire. Néanmoins j’ai tant de confiance en Dorothée que je suis bien décidé, coûte que coûte, à suivre en tout point ses avis.

Mary Wallace leva ses grands yeux bleus mélancoliques sur la figure du jeune homme, et il s’y peignait un intérêt profond, plutôt qu’une simple curiosité ; intérêt que son instinct de femme et sa réserve naturelle ne purent parvenir à cacher. Cependant elle ne dit rien, et laissa aux autres le soin d’entretenir la conversation.

— Ah ça ! vous allez tout nous raconter, Ten Eyck, s’écria le major ; il n’y a rien qui ait plus de succès dans une société qu’une bonne histoire de sorcellerie, ou que quelque conte si merveilleux qu’il faut commencer par donner une entorse au bon sens avant d’y croire.

— Excusez-moi, monsieur Bulstrode ; il y a des particularités que je ne saurais répéter ; mais Corny Littlepage est là pour vous attester que cela tient vraiment du prodige. En tout cas, je vais bientôt partir pour les bois, et comme Littlepage et Dirck Follock sont d’excellents compagnons de voyage, je compte me joindre à eux. Il se passera encore bien du temps avant que l’armée soit prête à se mettre en marche, et nous serons en mesure de vous rejoindre devant Ticonderoga, si toutefois vous parvenez à aller aussi loin.

— Dites plutôt devant Montréal ; car j’espère bien que notre nouveau commandant en chef ne nous laissera pas sécher sur pied comme le dernier. Ferai-je placer une sentinelle pendant votre absence à la porte de Dorothée, mon cher Guert ?

Cette question provoqua un sourire général, et Guert rit comme les autres, car il était le meilleur enfant du monde. J’ai dit général, et j’ai eu tort ; car j’aurais dû excepter Mary Wallace, qui resta sérieuse et pensive toute cette matinée.

— Alors nous serons voisins, dit tranquillement Herman Mordaunt, si toutefois vous comptez accompagner Dirck et Corny jusqu’aux terres dont la concession a été accordée récemment à MM. Littlepage et Van Valkenburgh. J’ai aussi de ce côté une propriété, qui est exploitée depuis dix ans ; ma fille et miss Wallace doivent m’y accompagner dès que le temps sera com-