Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/279

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placé aussi à la tête d’une colonne. Le seul côté accessible de la péninsule était protégé par un marais de quelque étendue, et là où finissait le marais, commençait le parapet en bois ; c’était ce parapet que ces deux corps étaient désignés pour enlever. Pour compléter leurs moyens de défense, les Français avaient placé une batterie le long du parapet, tandis que nous n’avions pas une seule pièce pour protéger notre approche.

On dit qu’Abercrombie ne consulta aucun des officiers américains qui étaient auprès de lui, avant de décider l’attaque du 8 juillet ; il s’était contenté du rapport de son ingénieur en chef, qui avait déclaré que les fortifications, au point de vue de la science, n’offraient pas d’obstacles sérieux, et l’assaut fut résolu. Sans doute l’ingénieur aurait pu avoir raison si le théâtre de la guerre eût été en Europe ; mais tout était imprévu, tout était désordonné dans la manière de se battre en Amérique, et les règles ordinaires ne pouvaient y trouver leur application. Il était déplorable que l’expérience de 1755 et le sort de Braddock n’eussent pas suffi pour apprendre aux généraux de Sa Majesté la nécessité de la prudence.

Le régiment de Bulstrode suivait immédiatement celui des montagnards, qui était commandé par le colonel Gordon Graham, vieil officier d’une grande expérience et d’un courage éprouvé. Naturellement, je vis le colonel et son régiment, puisqu’ils étaient placés devant moi, mais je ne vis guère autre chose de l’armée, surtout après que la première décharge, en soulevant un nuage de fumée, eut ajouté aux obstacles matériels qui m’empêchaient de suivre les opérations.

Un temps considérable fut employé à se préparer. Enfin quand toutes les dispositions furent prises, les colonnes se mirent en marche. L’ordre était de recevoir le feu de l’ennemi, puis de courir au parapet, de le franchir à la pointe de la baïonnette, s’il était nécessaire, et de ne tirer qu’à bout portant, ou lorsque l’ennemi battrait en retraite. Nous autres volontaires, ainsi que divers détachements de troupes irrégulières qui ne devaient point prendre part à la charge, nous n’étions pas astreints à cette consigne, et nous pouvions faire feu sur ceux des Français qui se montreraient à nous.