Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/374

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certain degré de civilisation. Vous me direz que les premiers apôtres n’étaient pas des hommes instruits, suivant le monde ; mais ils étaient civilisés. La Palestine était un pays civilisé, et les Hébreux étaient un grand peuple. Je regarde l’exemple donné par notre divin Sauveur comme un commandement qui doit être suivi en tout temps ; et, en paraissant dans la Judée, il disait par cela seul à ses apôtres : allez et prêchez mon Évangile à toutes les nations civilisées.

Je me hasardai à lui faire la remarque que le précepte de la Bible ne portait aucune restriction.

— Il est vrai, mais le sens n’en est pas moins clair, et tel que je vous l’explique, répondit M. Worden. Et puis c’était avant la découverte de l’Amérique, et il est assez présumable que le commandement ne s’appliquait qu’aux nations alors connues. Il ne faut pas violenter les textes de l’Écriture, Corny ; il faut au contraire les interpréter naturellement, et telle me semble être, après mûre réflexion, l’explication naturelle de ce passage. Je le sens, je me suis laissé emporter par un zèle exagéré ; et, à l’avenir, je concentrerai mes efforts dans la sphère qui m’est assignée. Allez donc parler raison à des Indiens qui ont toujours le tomahawk à la main pour vous prendre votre chevelure ! Non, non, je crains fort qu’il ne soit impossible de les sauver. Il est bon d’avoir des sociétés charitables qui s’occupent d’eux, mais de loin ; ce ne sont pas des messieurs qu’il soit, en aucune façon, agréable d’approcher.

Avant de faire connaître comment avait abouti la mission de M. Worden, j’aurais dû dire un mot de la manière dont je me séparai d’Anneke. Je ne la vis pas beaucoup en particulier dans les derniers moments ; car elle restait presque constamment enfermée avec Mary qui, sous l’apparence de la résignation, cachait une douleur profonde et durable. Jamais je n’aurais soupçonné à quel point elle aimait le jeune Albanien, cet étourdi sans éducation, qui, de son côté, lui avait toujours porté un si tendre attachement.

Anneke ne montra aucune réserve vis-à-vis de moi, bien qu’il lui en coûtât de parler de nos amours, lorsque Mary était si cruellement éprouvée dans ses affections ; et elle ne me laissa