Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/42

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venue toute rouge, Monsieur, comme la plus jolie petite écrevisse qu’on ait jamais servie sur une serviette. C’est vraiment une charmante personne !

— Et ces vols dont vous parlez, ma bonne hôtesse, que sont-ils ? des cœurs, sans doute ?

— N’est-ce pas assez, vraiment ? ce sont des larcins que se permettent toutes les jeunes filles, comme vous savez ; mais je vous réponds, moi, qu’en ce genre, vous n’avez jamais vu de si grande voleuse que miss Anneke.

— Voyons, quels cœurs a-t-elle déjà dérobés ? je serais curieux de connaître les noms de quelques victimes.

— Mon Dieu ! elle est trop jeune pour en avoir fait encore beaucoup. Mais attendez seulement un an, et vous m’en direz des nouvelles.

Pendant tout ce temps, Dirck était mal à l’aise, et j’éprouvais un malin plaisir à épier les changements qui s’opéraient sur sa physionomie ; mais pour couper court à toute question ultérieure et pour se soustraire à mon espionnage, mon jeune ami se leva brusquement, et demanda la note et les chevaux.

Pendant le reste du voyage, il ne fut plus question de Lilacsbush, ni d’Herman Mordaunt, ni de sa fille Anneke. Dirck garda le silence, ce qui était son habitude après le dîner ; et moi, je mis tous mes soins à ne pas me tromper de route en traversant la plaine. Arrivés à New-York à l’entrée de la nuit, nous mîmes nos chevaux à l’écurie d’une auberge, et suivis d’un nègre qui était chargé de nos portemanteaux, nous nous mîmes à parcourir à pied le dédale des rues de la capitale. New-York, en 1757, était déjà une ville commerçante d’une grande activité. En descendant Queen-Street, nous comptâmes plus de vingt bâtiments rangés sur la rivière. Dirck et moi nous nous arrêtions, malgré nous, à chaque pas, pour contempler ce spectacle si animé. Ma mère m’avait bien recommandé de ne pas tomber dans ce défaut si souvent reproché aux provinciaux, mais c’était plus fort que moi ; et, malgré toutes mes résolutions, l’attrait était irrésistible. Enfin, mon ami et moi nous nous séparâmes, pour aller, lui chez sa tante, moi chez la mienne. Toutefois, avant de nous quitter, nous convînmes que nous nous retrouverions le