Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/8

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Sous le rapport de l’étendue, comme pour la culture et pour les embellissements, Satanstoé n’est guère qu’une grande ferme, mais une ferme en très-bon état. Tous les bâtiments sont en pierre ; jusqu’aux hangars, et les murs qui l’entourent feraient honneur à un château-tort. La maison passe pour une des plus belles de la colonie. Elle n’a, il est vrai, qu’un étage, surmonté de mansardes ; mais ces mansardes sont les plus jolies du monde, et elles ne dépareraient pas même une maison d’York. Le bâtiment à la forme d’un L, ou de deux côtés d’un parallélogramme, dont l’un présente une façade de soixante-quinze pieds, et l’autre de cinquante. Elle a vingt-six pieds de profondeur, compris l’épaisseur des murs. Le salon avait, du plus loin que je me souvienne, un tapis qui couvrait les deux tiers du plancher, et des toiles cirées garnissaient les principaux couloirs. Le buffet de la salle à manger excitait une admiration générale ; et je doute que même aujourd’hui il y en ait un plus beau dans le comté. Toutes les pièces étaient de dimensions convenables ; les plus grandes occupaient toute la profondeur du bâtiment, et avaient onze pieds d’élévation, excepté dans les endroits où passaient les poutres qui soutenaient les mansardes.

Comme, sans compter le col, il y avait de la fortune dans la famille, et que les Littlepage avaient servi dans l’armée régulière, mon père comme enseigne, et mon grand-père comme capitaine, l’un et l’autre dans leur jeunesse, nous faisions partie de la petite noblesse du pays. Il n’y avait pas de grand domaine dans cette partie du West-Chester, et Satanstoé passait pour une propriété d’une certaine importance. Car je ne parle pas des Morris qui habitaient Morrisiana, ni des Philips, dont les biens, sur les bords de l’Hudson, s’étendaient jusqu’à douze milles de nous, ni d’une branche cadette des de Lancey qui s’était établie encore plus près ; c’étaient les chefs de la colonie, et personne ne pouvait avoir la prétention de lutter avec eux. Quoi qu’il en soit, les Littlepage occupaient un rang très-respectable parmi ceux qui par leurs propriétés, par leur éducation, par leurs alliances, par leur rang officiel, et par une sorte de considération héréditaire, formaient comme l’aristocratie du pays. Mon père et mon grand père avaient, dans leur temps, siégé dans l’Assemblée, et, à ce