- Barlow.
hiver tirait à sa fin, et le vingt et unième anniversaire de
ma naissance était passé. Mon père et le colonel Follock, qui cet
hiver-là vint fumer avec lui plus souvent que de coutume, commencèrent
à parler sérieusement du voyage que je devais faire
avec Dirck à la recherche des terres concédées. On se procura
des cartes, on fit des calculs minutieux, et chaque membre de la
famille fut appelé à donner son avis sur la marche à suivre.
J’avouerai que la vue du vaste et gros parchemin qui contenait le
plan de Mooseridge (le Mont-aux-Rennes), c’était le nom de notre
nouvelle propriété, excita certains sentiments de convoitise dans
mon esprit. Des ruisseaux circulaient en tous sens à travers les
collines et les vallées ; de petits lacs étaient disséminés à la surface ;
en un mot l’artiste qui avait dressé le plan n’avait rien omis
de ce qui pouvait donner du charme et de la valeur à la propriété[1].
Si c’était une bonne chose d’être l’héritier de Satanstoé,
il était encore préférable de posséder en commun avec mon ami
Dirck toutes ces vastes plaines, ces collines verdoyantes, ces ruisseaux
limpides et ces lacs pittoresques. En un mot, pour la première
fois dans l’histoire des colonies, les Littlepage se trouvaient
à la tête de ce qu’on pouvait appeler un domaine.
Le premier point à régler, c’était la manière dont Dirck et moi
- ↑ Il y a quarante ans, un habitant de New-York acheta une grande quantité de terres en friche sur la foi d’une carte. Quand il en vint à visiter sa nouvelle propriété, il se trouva qu’elle était entièrement dépourvue d’eau. L’arpenteur fut appelé, et accusé de mauvaise foi, attendu que sur la carte il y avait de nombreuses rivières. — Pourquoi avoir mis tous ces cours d’eau, quand dans la réalité il n’en existe pas un seul ? demanda l’acquéreur irrité. — Mon Dieu, monsieur, répondit l’arpenteur, est-ce qu’on a jamais vu une carte sans rivières ?