fille de deux ans, lorsqu’ils moururent à deux mois de distance l’un de l’autre, laissant la petite Ursule aux soins de son oncle qui passait alors sa vie dans la forêt, livré à ses occupations ordinaires, et de mistress Stratton, la maîtresse de pension dont j’ai parlé. Elle avait bien un demi-frère, Bob Malbone ayant eu deux femmes ; mais il était à l’armée, et il avait une proche parente à soutenir avec sa modique paie. Cependant, grâce à mistress Stratton et au porte-chaîne, à l’aide aussi de quelques cadeaux du frère, Ursule n’avait manqué de rien jusqu’à dix-huit ans, et elle avait reçu le bienfait d’une éducation soignée, quand sa protectrice vint à mourir. Il ne lui resta dès-lors d’autre appui que son oncle. Son frère cherchait bien à faire quelque chose pour elle, mais il n’était que capitaine, et, malgré sa bonne volonté, il lui était bien difficile de faire quelques économies sur ses appointements.
Je ne tardai pas à m’apercevoir que le vieil André aimait Ursule plus que tout au monde. Quand il était un peu tendre, car jamais ses petites débauches n’allaient plus loin, il ne tarissait pas sur le compte de sa nièce ; alors ses yeux se remplissaient de larmes ; et, un jour même, il me proposa sérieusement de l’épouser.
— Vous êtes faits l’un pour l’autre, me dit-il d’un grand sérieux, dans cette occasion mémorable ; et, quant à la fortune, je sais que vous n’y tenez pas, puisqu’à vous seul vous en avez assez pour une demi-douzaine. Je vous jure, capitaine Littlepage, — cette conversation avait lieu quelques mois seulement avant le licenciement, lorsque je venais d’obtenir une compagnie, — Je vous jure que la petite fille ne fait que rire du matin au soir, et que c’est la compagne la plus gaie qu’un vieux militaire puisse souhaiter pour se distraire. Essayez-en seulement, et vous m’en direz des nouvelles.
— Un vieux militaire, c’est possible, mon ami ; mais vous oubliez que, par mon âge, je ne suis guère qu’un enfant.
— Allons donc ! un enfant qui se bat comme un lion ! Est-ce que je ne vous ai pas vu au feu ?
— Soit ! mais ce n’est pas le militaire, c’est l’homme qui se marie, et l’homme est bien jeune, quoi que vous en disiez.