Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/167

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cendait d’une hauteur tout près de moi, et j’allais m’en approcher pour boire de son eau, quand le mystère de la couverture me fut révélé tout à coup. Je vis l’Onondago, au pied de la colline, aussi immobile que les arbres qui l’entouraient, appuyé sur sa carabine, et semblant regarder un objet étendu à ses pieds. En un instant je fus à ses côtés, et je vis qu’il considérait un squelette humain ! C’était un spectacle étrange et saisissant à rencontrer dans la solitude de la forêt. L’homme tenait si peu de place, était vu si rarement dans les déserts de l’Amérique, que cette trace de son passage dans un pareil lieu était de nature à faire plus d’impression encore que si elle se fût rencontrée au milieu de districts populeux. Quant à l’Indien, il contemplait les os si attentivement qu’il ne s’aperçut pas, ou du moins qu’il ne tint aucun compte de mon approche. Je dus même le toucher du doigt pour qu’il levât les yeux. Charmé d’avoir une excuse pour éviter d’entrer en explication sur ma propre conduite, je saisis avidement l’occasion qui m’était offerte si naturellement de parler d’autre chose.

— Il faut qu’il y ait en ici une mort violente, Susquesus, lui dis-je ; autrement le corps n’aurait pas été laissé sans sépulture. Sans doute quelque querelle entre les guerriers rouges.

— Il y a eu sépulture, répondit l’Indien sans manifester la moindre surprise de ma présence. Voyez ! voilà le trou ! la terre a été balayée par l’eau, et les os ont reparu ; voilà tout. Je sais que l’homme a été enseveli ; j’y ai aidé moi-même.

— Comment ? Vous connaissez donc cet infortuné, et la cause de sa mort ?

— Oui, je sais tout. Il a été tué dans la vieille guerre contre les Français. Votre père était ici, Jaap aussi. Ce sont les Hurons qui les ont tous tués. Nous avons, nous, fouetté les Hurons. Oui, oui ; c’est une vieille histoire aujourd’hui !

— J’en ai entendu quelque chose. C’est sans doute l’endroit ou un arpenteur, nommé Traverse, fut surpris par l’ennemi et massacré avec ses ouvriers. Mon père et ses amis trouvèrent les corps et les ensevelirent.

— C’est cela ! mais ils ne s’y prirent pas bien ; autrement les os ne seraient pas sortis de terre. Oui, je reconnais bien le sque-