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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/171

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court, comme quelqu’un qui rencontre un obstacle imprévu. Je fus bientôt à côté de lui, curieux de connaître la raison de cette halte soudaine.

— Nous allons bientôt voir le moulin à présent, dit Susquesus en réponse à la question que je lui adressai. Voilà des planches en quantité ; elles descendent le courant rapidement.

En effet la rivière était couverte de planches qui suivaient le cours de l’eau avec une rapidité qui n’était rien moins qu’agréable pour les yeux d’un propriétaire, surtout lorsqu’il savait qu’il n’aurait aucune part au produit de la vente. Elles n’étaient point arrangées sur des radeaux ; mais elles flottaient isolées, ou attachées deux ou trois ensemble, comme si quelques dispositions avaient été prises pour les arrêter plus bas, avant qu’elles arrivassent à quelques bas-fonds ou à quelque écueil. Cela avait tout l’air d’une fabrique de bois régulière, établie pour fournir les marchés des villes bordant l’Hudson. La petite rivière que nous suivions était une des tributaires de ce beau fleuve ; et, une fois arrivés là, il n’y avait plus d’obstacles physiques qui s’opposassent à ce que les produits de nos forêts fussent transportés dans toute l’étendue du globe.

— Ceci a vraiment tout l’air d’un commerce organisé, Susquesus, dis-je dès que je fus certain que mes yeux ne me trompaient pas. Quand on voit des planches toutes faites, il doit y avoir des hommes à peu de distance. Le bois ainsi travaillé ne pousse pas dans le désert.

— Le moulin le façonne. Vous l’entendrez bientôt : il parle assez haut. Le Visage Pâle fait des moulins ; mais l’homme rouge a des oreilles pour entendre.

Tout cela était assez vrai ; restait à voir ce qui en résulterait. J’avouerai que, quand je vis flotter ces planches à travers les sinuosités de la petite rivière, j’éprouvai un certain saisissement, sentant bien que c’était le prélude d’incidents d’un grand intérêt pour moi. Je savais que ces hommes des forêts, sans foi ni loi, n’hésiteraient pas à recourir à la violence, s’ils le croyaient nécessaire, pour se maintenir dans leur usurpation. Quand le crime, au lieu d’être isolé, s’infiltre dans les masses, il