Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/195

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— Oui, oui, je connais toutes leurs simagrées et tous leurs tripotages. J’ai été traduit plus d’une fois, dans mon temps, devant des magistrats, et je les ai presque toujours enfoncés. C’est là le vrai moyen de se tirer d’affaire. Mais, voyons, avant de coffrer ce jeune homme, rédigeons un bout d’écrit. Prudence, ouvrez ce tiroir.

— Avant que vous alliez plus loin, dis-je en l’interrompant, je dois déclarer de nouveau que vous êtes dans l’erreur. Je vous répète que je ne suis point procureur, que je suis complètement étranger à la justice. Je suis militaire, j’ai commandé une compagnie dans le régiment du général Littlepage, et je suis entré au service dès l’âge le plus tendre. J’ai vu Burgoyne se rendre, et sa troupe déposer les armes.

— Eh bien ! qui s’en serait douté ! s’écria la compatissante Laviny. Il est si jeune qu’on croirait à peine qu’il ait jamais pu résister au souffle du vent !

Cette déclaration ne manqua pas son effet. Se battre était ce que la famille du squatter comprenait et appréciait le mieux. Il y avait quelque chose de guerrier dans le maintien et dans les allures du vieux Mille-Acres, et je ne m’étais pas trompé en supposant qu’il éprouverait quelque sympathie pour un soldat. Il me regarda fixement, et ses dispositions parurent se radoucir.

— Vous avez servi contre Burgoyne ? me dit-il ; moi aussi, avec Tobit, Moïse, Nathaniel, tous ceux des miens en un mot qui avaient la force de porter un mousquet. Ce sont mes plus beaux jours, bien qu’ils soient venus tard, et lorsque la vieillesse avait déjà alourdi mes bras. Mais quelle preuve pouvez-vous donner que vous dites vrai ?

— Ici, dans la position où je me trouve, la chose serait assez difficile ; mais fournissez-m’en l’occasion, et je vous en convaincrai de manière à lever tous vos doutes.

— Voyons un peu. Quel régiment était à droite, celui de Hazen ou celui de Brooke, quand on marcha contre Jarmans ? Répondez, et je verrai bientôt si je dois vous croire.

— Je ne saurais trop le dire, car j’étais avec mon bataillon, et la fumée ne nous permettait guère de rien distinguer.