Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/22

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grand nombre pour défrayer un nègre de cidre pendant un mois.

J’ai souvent ri de bon cœur de la ruse du pauvre diable, quoique je ne lui aie jamais permis de recommencer. Étant passé devant la maison d’un homme qui semblait d’une condition supérieure aux autres, je me présentai devant lui sans le connaître, et je lui racontai mon histoire. Sans me demander d’autre preuve de ce que j’avançais que ma parole, il me prêta cinq dollars en argent, qui suffisaient largement pour toutes mes dépenses, et qui, je n’ai pas besoin de l’ajouter, lui furent fidèlement rendus.

Ce fut un heureux moment pour moi que celui où, avec le titre de major, je me trouvai par le fait mon maître, et libre d’aller où il me plairait. La guerre avait été si monotone et si triste depuis la prise de Charlestown et l’ouverture des négociations, que je commençais à m’ennuyer du métier ; et, à présent que le pays avait triomphé, j’étais tout disposé à le quitter. Ma famille, je veux dire ma mère, ma grand’mère, ma tante Mary et ma plus jeune sœur, avaient repris possession de Satanstoe. dans l’automne de 1782, à temps pour savourer une partie de ses fruits délicieux ; et au commencement de la saison suivante, après la signature du traité, quoique les Anglais continuassent à occuper New-York, ma mère put retourner à Lilacsbush. Aussi, lorsque je revins avec mon père, trouvâmes nous les deux habitations en beaucoup meilleur état que nous n’aurions pu nous y attendre. La bêche et le râteau avaient passé partout ; de nouvelles plantations avaient été faites ; toute trace de négligence ou d’abandon avait disparu. Ma mère était si admirable pour tout ce qui tenait à la tenue d’une maison ! Il semblait que son esprit d’ordre et son bon goût se communiquassent à tout ce qui l’entourait. Je n’ai jamais oublié ce que me dit le colonel Dirck Follock, un jour que nous visitions ensemble les dépendances de Lilacsbush : — Je ne sais comment cela se fait ; on ne voit jamais mistress Littlepage dans sa cuisine, et cependant la présence de la maîtresse de la maison s’y fait constamment sentir ; tant tout est propre, à sa place, tant on se mirerait partout.

Si c’était vrai des parties les plus humbles de l’habitation, combien cette influence n’était-elle pas encore plus sensible dans