Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/228

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lire à voix basse ; car Zéphane m’en pria lui-même, avec une délicatesse de sentiment qui, du moins, lui faisait honneur. Comme le lecteur pourrait partager jusqu’à un certain point la curiosité que j’éprouvais moi-même, de savoir ce qu’Ursule Malbone pouvait avoir à écrire à Zéphane Mille-Acres, je vais transcrire en entier cette lettre étrange. Voici ce qu’elle contenait :


Monsieur,

Vous avez souvent témoigné une vive estime pour moi, et je vais mettre aujourd’hui à l’épreuve la sincérité de vos protestations. Mon bon oncle se rend auprès de votre père, que je ne connais que de réputation, pour demander la délivrance du major Littlepage, qui, à ce que nous apprenons, est retenu prisonnier par votre famille contre tout droit et toute équité. Comme il se pourrait que l’entremise de mon oncle ne fût pas agréable à Mille-Acres, et que des paroles un peu vives fussent échangées entre eux, je réclame de votre amitié quelques efforts pour maintenir la paix ; et surtout, si quelque obstacle s’opposait au retour du porte-chaîne, je vous prierais de venir me trouver dans le bois, car je l’accompagnerai jusqu’à l’entrée de la clairière, afin de m’en prévenir. Vous ne pouvez manquer de me rencontrer en suivant la direction de l’orient, d’autant plus que j’aurai soin d’envoyer au-devant de vous le Nègre qui sera avec moi.

« J’ai encore une demande à vous adresser, Zéphane ; c’est de vous intéresser au sort du major Littlepage. S’il venait à lui arriver quelque malheur, ce serait la perte de toute votre famille. La loi a le bras long, et elle atteint au milieu des déserts aussi bien que dans un établissement. Il n’en est pas d’un être humain comme de quelques acres de terre, et le général Littlepage, qui a pu ne pas s’occuper de quelques arbres coupés sur ses terres, ne restera pas aussi tranquille quand il s’agira de son fils unique. Encore une fois donc, je vous en supplie du fond du cœur, protégez ce jeune homme, je ne dis pas si vous tenez à mon estime, mais si vous tenez à votre tranquillité d’esprit. Je n’ai pas été complètement étrangère aux motifs qui ont jeté M. Littlepage en votre pouvoir, et je n’aurais jamais plus un seul instant de bonheur, s’il lui arrivait quelque accident. Ne l’ou-