Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Calmez-vous ; il ne l’est pas dans le sens que vous supposez : c’est un brave jeune homme qui a servi comme moi, vieux squatter, et qui s’est battu courageusement pour la liberté.

— Eh bien ! s’il aime tant la liberté, qu’il laisse donc aussi les autres libres. La liberté, suivant moi, c’est le droit d’avoir autant de terres qu’on en a besoin. Si son père et lui sont de véritables amis de la liberté, qu’ils le prouvent en abandonnant toutes prétentions sur des terres qui ne leur sont pas nécessaires. Voilà ma liberté à moi, et en même temps ma religion !

— Pourquoi être si modéré, Mille-Acres ? Pourquoi ne pas dire tout de suite que tout homme a droit à tout ce qui lui manque ? Il ne faut pas faire les choses à demi, et il vaut mieux faire la mesure bonne pendant que vous avez la boussole et la chaîne à la main. Si la liberté est de prendre les terres d’un autre, ce doit être aussi de lui prendre sa bourse.

— Vous allez trop loin, porte-chaîne, dit Mille-Acres avec un degré de modération de nature à confondre les ennemis de ses principes. L’argent est ce qu’un homme gagne par lui-même, et il est en droit de le conserver, sans qu’on ait rien à dire. Mais la terre est nécessaire ; chaque homme a droit d’en avoir juste ce qu’il lui faut. Jamais, par exemple, je ne lui en donnerais un pouce de plus.

— Mais avec de l’argent on achète des terres, et prendre de l’argent c’est se procurer les moyens d’avoir la terre dont on a besoin. Il en faut si peu pour cela dans ce pays ou la terre est si abondante ! Non, Mille-Acres, non ; vous avez tort. Vous devriez commencer par prendre votre bonne part des dollars ; c’est beaucoup plus simple. Les dollars sont dans la poche ; ils en sortent à tous moments ; au lieu que la terre n’est pas quelque chose qui puisse se transporter ; elle reste là où elle est, et il y a des individus qui aiment leurs rochers, leurs arbres, leurs champs, surtout lorsque ces biens sont depuis longtemps dans la famille.

— Qui veut rester ami avec moi ne doit rien dire contre les squatters ! dit Mille-Acres dont le front s’était contracté, et qui commençait à perdre patience. Tout ceci n’est que du verbiage, et je veux en venir au fait. Vous voyez bien cette clairière et les bois qui sont préparés pour la vente. Que j’aie le temps de m’en