Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/302

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Angleterre, et qui ne s’est conservé en Amérique que dans cette classe d’individus qui vous font la courbette quand vous êtes là, et qui vous déchirent à belles dents dès que vous avez le dos tourné. Je n’étais pas d’humeur à plaisanter avec un pareil homme ; mais il pouvait n’être pas prudent de lui faire connaître que je l’avais vu et entendu quand il était venu la première fois, et que, par conséquent, j’étais au fait de toutes ses menées. Il n’était pas facile cependant de résister à la tentation de picoter un peu sa conscience, lorsque ses remarques mêmes m’en fournissaient une si bonne occasion.

— J’avais supposé, monsieur Newcome, qu’une des conditions qui vous étaient imposées comme agent du domaine de Ravensnest, c’était d’avoir soin des terres de Mooseridge ?

— Il est certain, monsieur, que le colonel, — je dois dire, je crois, à présent, le général, — m’avait chargé de surveiller les deux propriétés. Mais le major sait que les terres de Mooseridge n’ont pas été mises en vente ?

— En effet, monsieur, il paraît qu’elles n’ont été mises qu’au pillage. On aurait pu penser qu’un agent, chargé de surveiller un domaine, et apprenant que des squatters en ont pris possession et abattent les arbres, croirait de son devoir d’apprendre cette circonstance aux propriétaires, afin qu’à son défaut, ils pussent aviser à ce qu’il y aurait à faire ?

— Le major n’a pas bien saisi ma pensée, reprit l’écuyer d’une manière légèrement évasive ; je n’ai pas voulu dire que je savais positivement qu’il y eût des squatters dans ces environs, mais qu’il circulait certains bruits de cette nature. Au surplus les squatters sont chose si commune dans les pays nouveaux, qu’on se retourne à peine pour les regarder !

— C’est du moins une peine que vous n’avez pas daigné prendre, à ce qu’il paraît, monsieur Newcome. On dit pourtant que ce Mille-Acres est très-connu dans le pays, et que depuis sa jeunesse il n’a guère fait autre chose que d’abattre des arbres sur la propriété d’autrui. Je supposais que vous aviez dû le rencontrer depuis vingt-cinq ans que vous résidez dans cette partie du monde ?

— Que Dieu bénisse le major ! Si j’ai rencontré Mille-Acres ?