Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/331

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Kate me dit ensuite que la marche du cortège était vraiment imposante, lorsque nous arrivâmes à l’entrée de la maison, portant le corps du porte-chaîne. En avant marchaient Susquesus et Jaap, l’un et l’autre armés, et le dernier portant de plus une hache, comme remplissant les fonctions de pionnier. Les porteurs venaient ensuite, avec les hommes de l’escorte, rangés deux par deux, le havresac sur le dos et la carabine sur l’épaule. C’était moi qui conduisais le deuil, et les pauvres esclaves du porte-chaîne suivaient le corps de leur maître, portant sa boussole, ses chaînes et les autres emblèmes de sa profession.

Nous passâmes, sans nous arrêter, au milieu de la foule rassemblée sur la pelouse ; nous entrâmes, et ce ne fut que lorsque nous fûmes arrivés au milieu de la cour que le cercueil fut déposé un instant. Comme toutes les dispositions avaient été prises d’avance, il ne restait plus qu’à procéder à l’enterrement. Je savais que le général Littlepage avait souvent présidé à des cérémonies semblables, et Tom Bayard le pria de réciter les prières d’usage. Pour moi, je n’adressai la parole à aucun membre de ma famille ; je me serais reproché de m’accorder cette jouissance, avant d’avoir rendu les derniers devoirs à mon vieil ami. En une demi-heure tout était prêt, et le cortège se remit en marche. Comme précédemment, Susquesus et Jaap ouvrirent la marche. Celui-ci, qui alors devait remplir le rôle de fossoyeur, avait une pelle à la main. L’Indien portait une torche de pin enflammé, car l’obscurité était alors profonde. D’autres personnes avaient aussi de ces flambeaux naturels, ce qui ajoutait à l’effet de la cérémonie. Le général Littlepage marchait devant le corps, un livre de prières à la main. Venaient ensuite les porteurs avec le cercueil. Ursule suivait, vêtue de noir des pieds à la tête, et appuyée sur Frank. Quoique ce ne fût pas conforme à l’usage dans l’État de New-York, personne ne songea à empêcher cette infraction, si naturelle, dans une telle circonstance, à la réserve imposée à son sexe. Hommes et femmes, tout ce qui habitait Ravensnest ou les environs, s’étaient empressés de venir montrer leur respect pour la mémoire du porte-chaîne, et Ursule conduisit le deuil. Priscilla Bayard, appuyée sur le bras de son frère, suivait son amie, bien qu’elles n’eussent pas encore échangé