Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/8

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habitants étaient peu nombreux. Si l’on veut se former une idée juste de la guerre de la Révolution, et en apprécier avec impartialité les phases diverses, il ne faut point oublier l’extrême disproportion qu’il y avait, sous tous les rapports, entre les deux armées : d’un côté, des paysans, aux habitudes pacifiques, sans officiers d’expérience, manquant d’armes, souvent de munitions, et dépourvus de ce qui fait le nerf de la guerre : l’argent ; de l’autre, l’élite des guerriers de l’Europe, aidés de toutes les ressources qu’une civilisation avancée pouvait leur offrir. Et cependant les Américains, abandonnés à eux-mêmes, soutinrent la lutte avec honneur, et que de combats ne pourrait-on pas citer qui, malgré le petit nombre de combattants, mériteraient une place dans l’histoire à côté des plus beaux faits d’armes ! L’année suivante, je fis presque toute la campagne dans laquelle Burgoyne fut fait prisonnier, et voici comment. Depuis ma dernière expédition, j’étais assez mal disposé pour l’étude, et à mon retour, à l’époque des vacances d’automne, ma mère m’envoya porter des effets d’habillement à mon père qui était avec l’armée dans le nord. J’arrivai au quartier général une semaine avant l’affaire de Bhemis’ Heights, et je restai auprès de mon père jusqu’après la capitulation.

Ce fut par suite de ces circonstances que, tout jeune que j’étais, je fus témoin de deux ou trois des affaires les plus importantes, je pourrais même dire jusqu’à un certain point acteur ; car dans le dernier combat, j’eus l’honneur de servir en quelque sorte d’aide de camp à mon grand-père qui, deux ou trois fois, m’envoya porter des messages au milieu de la mitraille. Ce n’eût été rien de la part de tout autre, mais pour un écolier en vacances ce n’était pas trop mal employer son temps. Les Littlepage étaient en très-bonne odeur dans la colonie, et je devins le favori des officiers.

Il y avait surtout un capitaine, très-original, qui me plaisait infiniment. Il était d’origine hollandaise, comme la plupart des officiers, et il s’appelait André Coejemans, bien qu’il fût universellement connu sous le sobriquet du Porte-Chaîne. Quoique d’une famille respectable, en sa qualité de cadet il n’avait reçu qu’une éducation des plus incomplètes. Il avait joui pendant