Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/244

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pouvons attendre. En même temps, quelques-unes de nous peuvent pleurer, comme vous voyez que cela arrive à Mary Warren.

C’était assez vrai ; les beaux yeux des quatre demoiselles étaient brillants de larmes, tandis que les joues de celle qu’on venait de signaler étaient littéralement baignées de pleurs. Mais quand elle entendit cette allusion à sa profonde sensibilité, elle essuya ses yeux, et de si vives couleurs animèrent ses joues, que je crus convenable de détourner les yeux. Pendant cette espèce d’aparté, Feu-de-la-Prairie s’était encore levé, et il fit la clôture de la cérémonie par un autre petit discours.

— Père, dit-il, nous vous remercions. Ce que nous avons entendu ne sera pas oublié. Tous les hommes rouges ont peur du grand lac salé, qui est sous le soleil couchant, et dans lequel on dit qu’il se plonge tous les soirs. Ce que vous nous en avez dit nous y fera penser davantage. Nous venons de loin et nous sommes fatigués. Nous irons maintenant à notre wigwam pour y manger et dormir. Demain, quand le soleil sera ici (indiquant l’endroit du ciel où l’astre devait être vers neuf heures) nous viendrons encore et nous ouvrirons nos oreilles. Le Grand Esprit qui vous a si longtemps épargnés vous épargnera jusque-là, et nous n’oublierons pas de venir. Il nous est trop agréable près de vous que nous puissions oublier. Adieu.

Les Indiens se levèrent alors en corps et restèrent debout et immobiles pendant plus d’une minute à regarder Susquesus dans un profond silence, puis s’éloignèrent d’un pas rapide, et suivirent leurs conducteurs vers leurs quartiers. Pendant que la troupe s’éteignait ainsi sans bruit, un léger nuage passa sur le front de Sans-Traces, et il ne sourit plus de la journée.

Mais le nègre, contemporain de l’Indien, continuait toujours à exprimer son mécontentement de voir devant lui tant de Peaux-Rouges.

— Que faire de tant d’Indiens ? disait-il à son ami qui ne l’écoutait pas ou n’y faisait pas attention. Aucun bien ne vient de cette espèce. Combien souvent ils ont fait embûches dans les bois quand vous et moi tout près, Sus. Vous devenir bien vieux, Peau-Rouge, et bien oublieux. Personne ne peut tant vivre que l’homme de couleur. Bon Dieu ! Je crois quelquefois, moi, vivre pour toujours. Étonnant d’y penser combien de temps moi rester sur cette terre.