Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/250

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d’une manière plus sensible le calme que donne l’innocence, cette innocence que ne peut troubler la malignité.

— Nous étions tous retirés, répondit-elle, et tout le monde du côté où je suis était couché et endormi, je crois ; mais je ne me sentais aucun sommeil, et j’étais assise à la fenêtre, contemplant ce beau clair de lune, lorsque je vous vis sortir du bois et suivre le sentier. Auprès du chêne, je vous reconnus, Opportunité, et je descendis pour vous ouvrir ; car j’étais certaine que quelque chose d’extraordinaire devait vous amener ici à cette heure avancée.

— Oh ! rien d’extraordinaire, du tout, s’écria Opportunité d’un air dégagé. J’aime le clair de lune ainsi que vous, Mary, et vous savez que je suis grand amateur d’équitation. Je pensai qu’il y aurait quelque chose de romantique à galoper jusqu’à Ravensnest, et à m’en retourner à une ou deux heures du matin. Voilà tout, je vous assure.

Le calme avec lequel furent dits ces mots ne me surprit pas peu, quoique je ne fusse pas assez simple pour en croire une syllabe. Opportunité avait en elle, il est vrai, beaucoup de sentimentalisme vulgaire, que bien des jeunes filles prennent pour du raffinement ; mais cela n’allait pas jusqu’à voyager à travers champs, à minuit et seule, sans quelque objet spécial. Il me vint à l’idée que sa démarche se rapportait à son frère, et que naturellement elle désirait me faire cette communication en particulier. Nous avions pris nos sièges devant la table qui était au centre de la chambre, Mary et moi rapprochés l’un de l’autre, Opportunité à un angle éloigné. J’écrivis sur un morceau de papier un petit mot où je priais Mary de nous laisser seuls, et je le plaçai sous ses yeux, sans qu’Opportunité le vît, l’occupant de mille questions sur elle, sur sa promenade, sur le temps et le clair de lune. Pendant que nous discourions ainsi, mademoiselle Warren se leva, et sortit en silence. À peine Opportunité s’en aperçut-elle.

— Vous avez chassé Mary Warren, dis-je, mademoiselle Opportunité, par votre remarque sur ce que nous nous trouvions seuls.

— Mon Dieu, il n’y a pourtant pas grand mal à cela. Je suis accoutumée à me trouver seule avec des messieurs, et je n’y pense pas. Mais sommes-nous maintenant bien seuls, monsieur Hughes ?

— Tout à fait, comme vous voyez. Nous deux et Mary sommes, je crois, les seules personnes dans la maison hors du lit. Elle