Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tance confié à un jury, sans que l’on cherche par des moyens plus ou moins directs à influencer l’esprit public pour ou contre, dans l’espérance que les jurés seront portés à penser ce que pense la majorité. On sait qu’en Europe, les juges sont visités et sollicités par les parties ; mais ici c’est le public que l’on courtise et que l’on sollicite. Je suis loin de vouloir exagérer les défauts de mon propre pays, et je sais par expérience qu’il existe ailleurs des maux correspondants, ne différant que par leur aspect extérieur et par leur mode d’action ; mais je signale les formes dans lesquelles se présentent nos défauts, et celui-là n’est ni un ami de son pays, ni un homme honnête, qui veut les couvrir d’un voile au lieu de les montrer et de les corriger. La maxime nil nisi bene a fait un mal infini à notre pays, et par suite à la liberté.

Je ne crois pas qu’en ce jour le culte fût très-fervent à l’église de Saint-André ; la moitié de la congrégation s’occupait de toute autre chose que de la liturgie et tous ceux qui avaient perdu leur page dans le livre de prière, ou qui n’avaient pas suivi du tout, s’imaginaient que c’était suffisamment rendre hommage à notre rituel semi-papiste, que de tenir leurs yeux fixés sur moi et sur mon banc surmonté d’un baldaquin. Combien y avait-il là de pharisiens qui croyaient sincèrement que j’avais moi-même fait brûler ma grange pour rejeter l’odieux du fait sur les vertueux et honnêtes tenanciers, qui ajoutaient foi à toutes les histoires débitées sur mon titre, à toutes les accusations répandues dans le pays par une cupidité calculée ? Beaucoup de gens, je n’en doute pas, sortirent ce jour-là de l’église, après avoir dans leur injustice remercié Dieu de n’être pas aussi méchant que l’homme qu’ils se proposaient de maltraiter.

Le service fini, je m’arrêtai dans le vestiaire pour dire quelques mots à M. Warren, car il n’avait pas passé la nuit avec nous à Ravensnest.

— Votre auditoire a été plus nombreux ce matin qu’à l’ordinaire, lui dis-je en souriant, quoiqu’il n’ait pas été aussi attentif qu’il l’aurait dû.

— Je dois cela à votre retour, monsieur Littlepage, ajouté aux événements des jours passés. J’ai craint un moment qu’il n’y eût sous peu quelque projet secret, et que le jour et l’endroit ne fussent profanés par quelque scène de violence. Tout néanmoins s’est bien passé sous ce rapport, et j’espère qu’aucun méfait nou-