Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/83

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— Qu’avez-vous répondu ? Quoique je ne pense pas qu’il fût prudent pour nous d’aller ainsi déguisés et armés, maintenant que la loi en fait un acte de félonie, même quand notre motif, au fond, serait de venir en aide à la loi.

— Pas si fou ! Comment donc ! s’ils prouvaient ce crime de la part d’un de nous, ou de quelqu’un appartenant à une des anciennes familles, nous serions des victimes dévouées. Aucun gouverneur n’oserait user d’indulgence avec nous. Non, non ; la clémence est un mot réservé pour des fripons avoués.

— Nous pourrions, cependant obtenir quelque faveur, parce que nous appartiendrions à un nombreux corps de délinquants.

— C’est vrai ; j’oubliais cette circonstance. Plus les crimes et les criminels sont nombreux, plus l’impunité est probable et cela, non d’après le principe général qu’on ne peut résister à la force, mais d’après le principe particulier que mille ou deux mille votes sont d’une haute importance, quand trois mille votes peuvent décider une élection. Dieu seul peut savoir où cela nous conduira !

Notre dialogue se termina en entrant dans une des plus humbles tavernes de l’endroit, assez bien appropriée pour des gens de notre présente condition. La saison n’était pas encore assez avancée pour que les eaux de Saragota fussent fréquentées, et nous ne trouvâmes que peu de personnes qui en fissent leur boisson parce qu’elles en avaient réellement besoin. Mon oncle avait été autrefois un visiteur assidu de Saragota, un beau de la plus belle eau, comme il le disait en riant ; il put ainsi m’expliquer tout ce qu’il y avait à connaître. Mais de pareils endroits en Amérique sont si inférieurs à tout ce qui y ressemble en Europe, qu’il ne s’y trouve rien pour attirer l’attention du voyageur.

Dans le cours de la soirée, nous profitâmes d’une voiture de retour pour aller jusqu’à Sandy-Hill, où nous passâmes la nuit. Le lendemain matin, de bonne heure, nous louâmes une charrette avec laquelle nous coupâmes à travers le pays jusque vers la nuit, et, après l’avoir payée et renvoyée, nous nous dirigeâmes vers une taverne. Dans cette maison où nous eûmes à passer la nuit, nous entendîmes beaucoup parler des Indgiens qui venaient de se montrer sur les terres de Littlepage, et l’on discutait vivement sur les résultats probables de leur expédition. Nous étions dans un petit-bourg, ou plutôt dans une propriété appelée Mooseridge, qui nous avait autrefois appartenu ; mais comme elle avait